On connaît bien à Strasbourg et ailleurs Yerri Gaspar Hummel,  fils de Jean-Marie Hummel chanteur, pianiste et accordéoniste de Cabaret Dadaet Liselotte Hamm, frère de la chanteuse  LéopoldineHH, comme saxophoniste, musicien électro-acoustique, directeur du Festival Exhibitronic dédié à ces musiques et fondateur du Lab’UT où il les pratique et partage !

Lors de la dernière édition d’Exhibitronic on a pu le voir et l’entendre présenter au public sous le nom de Kaspar  (qui a déjà enregistré ce « Kaspar Blues » lors de La Nuit de l’Illusion son premier album « Music For Dance » et a déjà eu plusieurs chroniques!


photo Patrick Lambin 2020

Voilà mes impressions à chaud, ou en conscience, corrigées par ses précisions données par Yerri lors d’une interview!

 

Commençons par le visuel de la pochette du disque : Yerri l’a commandée en 2008 à Tomi Ungerer, illustrateur alsacien bien connu disparu depuis, ami de la famille qui venait souvent dans son enfance rhabiller de ballons de baudruche les poupées Barbie de sa sœur Léopoldine à sa manière joyeusement irrévérencieuse!

On y voit un chat jouant d’un électrophone avec le bec d’une cigogne comme diamant et scratchant chacun d’une patte !

 

 

La première expérience de Kaspar avec l’électricité lui vint dans l’enfance d’une électrocution, puis il pratiqua le pianoà 11 ans, le saxophone à 15 et l’électronique ensuite.

J’ai d’abord pris le premier titre «Phases» , sachant Yerri saxophoniste à la base pour du saxophone modifié par l'électronique, alors qu’il n’y a pas saxophone sur ce disque, ce sont des voix du GRM samplées par l’électronique, un peu comme le fait Diana Deutsch, invitée en visio et jouée lors du dernier Festival Exhibitronic, à cette différence que ses « Phantom  Words »  à elle sont me dit-il « phasés », ses voix à lui déphasées ! Moi je suis assez déphasé ou inexpérimenté en sampling pour ne pas entendre la différence, assez fou même pour avoir entendu par autosuggestion le fantôme d'un saxophone au lieu de voix lors de ma première écoute sans avoir été informé du contraire!

 

 

J'aime bien « Toupie» » pour l'évolution des sons électroniques au synthétiseur modulaire Prophet 8 et Dark Energy semi modulaire ! Ce titre m’a fait penser à la base pygmée de «Manif’Heste » d’André Minvielle !

Mais ce titre est inspiré d’un rêve d’enfance de Kaspar en semi-conscience entre sécurité et conscience du danger ! Toupie est aussi un hommage à « Toupie dans le ciel » de FrançoisBayle , fondateur de l’acousmatique, qui en a donné une nouvelle version en 2009!

Le clip de « Toupies » a été réalisé par Lucas Lejeune ! 

Sur « R.aube » , Duncan Pinhas joue  le Kobol est un autre synthé monophonique, mini-moog français créé par Ruben Serge Fernandez, Yerri jouant du cajon rencontré à la HEAR en 2012 à Mulhouse lors d’un workshop, fils de Richard Pinhas, père de l’indus avec Heldonavec qui il a joué « Sources » à Exhibitronic cette année !  Yerri joue souvent avec Duncan  ou au Jardin Dérive et a enregistré un disque avec lui!

Cette pièce fut composée pour la danseuse Loubna Laayouni (avant le portrait d’Alejandro Viñao à Exhibitronic 2019 au Centre Chorégraphique, chorégraphié par François Du Roure disparu depuis) avec l’idée de l’aube habillant le jour d’une Robe d’où le titre R.aube si on ne le prononce pas à l’allemande! Rémi Schwartz et François Hagenmuller, collègues percussionnistes de Yerri dans la classe d’Emmanuel Séjourné, ont ajouté un break de vibraphone, percussions et pieds frappés central! 

Pour « Lueur » je n'ai jamais entendu jouer du luth de façon aussi non pas contemporaine que Bruno Martagão, luthiste Brésilien alors colocataire de Yerri enregistré à l’époque rencontré dans la classe de composition de Marc André où il y avait dix nationalités différentes!  On peut aussi entendre dans cette pièce les ondes martenot de Christine Ott , avec l’idée pour le titre du décollage d’une luciole! L’instrument ancien (le luth) rencontre un instrument plus moderne et mystérieux, les ondes martenots, quoiqu’ils ne se soient pas rencontrés !

 

Sur « Dialog »j'ignore toujours qui est l'enfant (« Clément »),  dont la voix, enregistrée à Toulouse disant « Dépêchez-vous avec la terre »  modifiée! Intéressant mélange de voix, sons (perceuse?), La coïncidence est que c’est un ami de Yerri Clément Hostein qui lui présenta la harpe Vera Cavallin! On entend aussi des extrait de la seconde édition d’Exhibitronic où Duncan Pinhas avait joué à la Cathédrale en 2012.

« Japash » japonais apache ? (Yerri apprécie aussi la poésie lettriste et Dadaïste), s’appelait Japatch à l’origine  puis le côté « apache » des dialectes ((qui me rappelle la première pièce pour laquelle Yerri Gaspar Hummelm’avait invité «Dialecte pièce pour quatre beaux parleurs et sept enceintes préparées » à la Cité de La Musique et de La Danse)  est apparu à Yerri dans ses mails avec la japonaise  Rumiko Koyama  qui a participé à cette pièce rencontrée là encore à la classe de composition de Marc André qui devait être une vraie tour de Babel multiculturelle! En tous cas ethnologiquement cette pièce est intéressante même si je ne comprends pas la part de captation en direct de matériau brut et de modification électro acoustique !!

Sur Japash je ne connais que la chanteuse Colombienne de Violetazul et « You’re a Woman I’m a Fish »ElisaArciniegas Pinilla! Il m'apparaît plus japonais a l'écoute en conscience, vocalement en tous cas! J'aime bien aussi les voix/cris sur le violon d’Alicia Girod Kusmeruk avec qui Yerri avait travaillé pour une pièce « 12 Ciels » écrite pour Alban Guinchard avec un quatuor à cordes dont elle faisait partie ! J’ai bien aimé le ralentissement de la machine, le traitement sonore !

Sur le premier « Feu », on entend bien les braises d'un feu naturel de forêt et les étincelles sous la scie d'un feu industriel! Puis les reflets des flammes sous les roulements électroniques égrenés du boulier temporel.

 

 « FeuXL » (plus grand feu) bénéficie de la bonne batterie d’Olivier Maure , vibraphoniste et percussionniste contemporain d’Hanatsu Miroir et Ork!

 

J'aime bien FeuxXL  électronique guitare percus guitare, et même une bonne vieille sirène ululante du manège des sirènes où Yerri et Exhibitronic ajoutaient sirènes et Musiques à celles légales du 1er octobre  (texte ci-dessous)

Puis percus balinaises sirènes du manège, Son descendant, montant à la Pierre Henry que Yerri a rencontré et joué un après-midi à Kehl !

FeuXL est moins abstrait mais moins poétique du coup par la batterie plus reconnaissable d'Olivier Maurel ! La percu semble crier avant le rythme d'être frappée

J'aime bien les percus ensuite et goutte puis sirène 

 

« Point de rencontre » est plus proche de Pierre Henry encore (Voyage) mais avec des éléments moins concrets? Rencontre avec qui? Du troisième type? Où est ce point? Entre électronique et roulements concrets ?

« Point de rencontre » dans l'espace? Puis les chenilles d'un engin de chantier d'exploitation ou d'exploration spatiale, puis silence! Et venant de loin un signal lumineux long qui me fait penser à François Bayle puis devient voix, mugit (dans le traitement des voix d'enfants aussi précédemment sur » Dialog »)!

Cela grince comme un monde trop vieux et résonne comme l'espace vide, se reflète dans le verre sonore du hublot au vent lunaire à la fin ! Voyage ou point de rencontre du terrestre et du spatial ?

Point de rencontre avec Christine Ott  avec qui cette pièce fut co-composée, présentant les possibilités des ondes Martenot, mais connaissant mal les ondes Martenot je vois mal qui fait quoi?

 « Sofa » est mon titre préféré, passe poli-rythmiquement de l’ethnico chorégraphique de la corde d’un instrument du désert pour le sofa oriental sous une tente berbère au sofa dans une boîte de nuit l’électro de Détroit (Derrick May et son « Kaos »)  et a déjà été utilisé lors d’un live painting dans une école de Marlenheim ! Sofa reste le plus simple et accessible pour moi!

Yerri y joue cordes et claviers avec Olivier Maurel au vibraphone, rencontré dans une galerie où il jouait du vibraphone avec Zahra Poonawala , puis ils avaient enregistré plusieurs sons et improvisations à la cité de la Musique et de la Danse grâce à Marie-Claude Segard!  Mais les sons électros environnant tracent la voûte étoilée, assourdie par un écho industriel mais les éléments/strates restent présents, changeant de place, comme de haut-parleur spatialisé sur l’AKT (haut-parleurs d’Exhibitronic entourant le public dans un bain immersif de cinéma pour les oreilles !

« Fragments»  est la pièce la plus contemporaine, la plus proche des « Objets Sonores » de Pierre Schaeffer  (https://www.youtube.com/watch?v=CTf0yE15zzI&t=4s), mais allant jusqu’à la drone music, fait un peu peur, sursauter après le sofa trip apaisant, par sa chute de pierres cataclysmiques! Je préfère la montée de balle de ping pong, puis fragments de pierres érodées ou arbres sciés par le rotor d'un hélico, qui tombe et voilà l'ambulance d'ailleurs! Fragments de formes et de corps ? 

Ça racle mais électronique, geste électronique remplace le geste manuel

J'aime bien le tempo derrière le beat sous les cloches! 

Il laisse même à la fin l'électricité jouer toute seule de son seul tremblement comme à la fin du concert des Pinhas père et fils l'ampli non débranché pendant que les gens viennent déjà saluer Richard ! 

On y entend un buchla (encore une fois c’est un clavier, un des premiers synthétiseurs inventé par Donald Buchla (https://fr.wikipedia.org/wiki/Buchla)  joué par Leonardo  Espejo !

Fragments est pour moi la pièce la plus abstraite a part le pigeon à. 05:50, remous des pierres, érosion d'éléments sonores divers ou spatiaux ! A 07 50 j'arrive mieux a rentrer dedans grâce aux voix ! A 08…09 j'aime le rythme de la corde

 

« (fr)agile territoires » montre un autre aspect du travail de Yerri, plus ethno-musicologique, lors de ses voyages en Inde du Sud ou au Brésil !  J’ai cru y entendre des voix portugaises sachant qu’il y avait été !

Animal agile dans territoires fragiles ? J'aime bien la cloche/ gong  raclée striée, puis résonnance sur fond de voix de chamane riant ! Et un S.O.S en morse de la nature 

Ah à 5 minutes 39 on passe du Brésil à l'Inde (en fait après information, ce ne sont que des sons d’Inde) sur un harmonium portatif, un enfant chante, tsigane du Rajasthan ? La mer et les voix, la marée mais humaine ! Peut être la pièce la plus inspirée de ses voyages ? (fr)agile et agile sont ces territoires aussi car poreux, Inde et Brésil peuvent se côtoyer dans la musique alors qu'éloignées géographiquement (au moins dans mon esprit avide d’aventures exotiques immobiles)! On retrouve les cacatoès de la  jungle amazonienne à 7 minutes ! 

Finalement il a été chez deux sortes d'indiens différents ! 

Sauf qu’il ne s’agit que de sons ramenés d’Inde !

J'adore la fanfare indienne à 08 minutes et circulation!

Par cet usage de ces sons enregistrés, Yerri est dans la lignée du « Voyage Initiatique »  de Pierre Henry et de François Bayle invité il y a quelques années à Exhibitronic à jouer « Son Vitesse-Lumière » aux voix indiennes!

 

Enfin, « Checkpoint »brille/rutile en faisant entendre de tournoyants reflets ou lumières ! Checkpoint entre où et où ? Trois notes à minutes me font penser à The inflated  Tear de Rahsaan Roland Kirk qui jouait de plusieurs saxophones en même temps, ténor, mazello et strich (instruments de fanfares oubliés) et avait même inventé une trompette à embouchure de saxo, le trompophone! 

Quelque chose grince aussi comme au début d'Il était une fois dans l'ouest Morricone!

 Je n'arrive pas à visualiser les douaniers du checkpoint entre Inde et Pakistan ?

J'aime bien l'orage qui éclate et la note finale électronique prolongée ! 

Je n'ai pas les références électro acoustiques pour connaître tes influences (je ne connais de ce genre que ceux/celles qu’il a invité(e)s à Exhibitronic ! Mais peut être que du coup j'entends plus librement des paysages sonores poétiques, plus que pour le jazz pour lequel j'ai ces références!


Music For dance est en vente 9 € en pochette cartonnée, 20 € avec une pochette en Binge wrap colorée avec de la cire d'abeille de ses ruches qui vous permettra d'emballer vos aliments ou vos cadeaux de Noël tellement c'est beau!

Jean Daniel BURKHARDT