LUC MARTIN ET JEAN-YVES RAGOT A LA MAISON RURALE DE L’OUTRE FORÊT DE KUTZENHAUSEN
Par jean daniel burkhardt le mercredi, septembre 29 2021, 17:35 - Chanson Française - Lien permanent
Le 26 septembre 2021, l'auteur de chansons Luc Martin donnait un récital à La Maison Rurale Kutzenhausen.
Après la
visite d'une ancienne ferme devenue musée:
Cave à choucroute,
on réduisait le chou en filaments de choucroute avec cet outil,
Qui servait aussi pour les haricots ensuite conservés en bocaux
Le pain était protégé des rongeurs par ce sac aériens (rats et souris ne volent pas)
et
au grenier fumoir de saucisses et jambons,
le basset d'une visiteuse se mit à aboyer voulant les dévorer
Vite rappelé à l'ordre!
Versets bibliques gravés dans le mur
Et fleurs au-dessus de la porte! Et dire qu'il y en a qui vont en Grèce ou en Égypte!
pièce à vivre, jeune ménage en
haut
et enfant, berceau
à armoire colorée d'imitation que j'ai trouvée belle avec ses carreaux aux saisons polychromes mais en fait du toc pour la conférencière,
Et si les chevaux et les vaches sont sculptés (quoiqu'une vache puisse être traite),
Les lapins et les oies sont bien vivants!
Le récital était en deux parties issues de deux recueil de chansons écrites pour les textes par Luc Martin : « Présent d'amour » aux musiques d'Annemarie Wolff et « Vies fragiles », sur des musiques de Jean-Yves Ragot qui l'accompagne à la guitare et d'un beau contrechant, et parfois de maracas aujourd'hui!
Démocrite mettait déjà en rapport le hasard et la nécessité au Vème siècle avant JC, (Luc Martin fut professeur de français latin grec.)
« Est ce le hasard ou autre chose? » est un beau texte voyant « un regard comme une enluminure » sur une belle mélodie un peu à la Maxime le Forestier présentant "le présent dans une main ouverte"!
« Vingt ans déjà vingt ans » est aussi une belle mélodie avec un beau contrechant de la seconde voix de Ragot avec « deux mains qui se souviennent » et des « hirondelles » qui font « farandole »! Un peu sur la mélodie de "Mon frère" de Maxime Le Forestier.
« Te voici revenu d'un long voyage » « Les yeux grands ouverts, le soleil » « Le printemps a parfumé ton visage » sur les retrouvailles « le quartier est en fête » dans son quartier du Faubourg de pierre, avec Jean Yves Ragot au maracas monolithiques noirs!
« Les enfants et le poète » lui demandent ce qu'est la poésie et, il leur répond plusieurs belles définitions : « une chanson d'amour sur les oiseaux d'amour qui s'aiment s'endorment au septième ciel et rendent possible le ciel quand on a le cœur à l'étroit »!
Cela me fait penser aux « Portes de La Nuit » de Marcel Carné avec « les Enfants qui s'aiment » où le jeune Yves Montand chantait pour la première fois Les feuilles mortes ! Je découvre que c'est Jean Vilar déguisé en clochard qui joue Le Destin harmoniciste je ne l'aurais jamais reconnu, lui le grand comédien fondateur du TNP! De Carné j'avoue préférer aux « Enfants Du Paradis » « Les Visiteurs du soir » et « Les portes de la nuit » (le film qui traduit peut-être le mieux l'ambiance de l'immédiat après guerre en 1946, à la fois cette dévastation, misère et insécurité, et cet espoir de lendemains meilleurs, retrouvailles amicales et sociales, amours!) Et oui Montand est magnifique dans cette première version des Feuilles Mortes qui lui revient par bribes, comme lui venant de très loin, qui ajoute au mystère du texte! Ce fut la dernière collaboration de Carné avec Jacques Prévert ! Reggiani est excellent aussi en collabo dénonciateur qui s'est fait croire résistant pour sauver son père! Film très démodé mais magnifique, qui montre comment vivaient les gens juste après la deuxième guerre!
Puis « les fleurs qui s'aiment »
Enfin « Les cités qui s'aiment sans misère »
« Le bonheur n'est pas au bout du monde » « Carpe Diem », « cueille le jour » écrivait le poète latin Horace!
Belle mélodie et chœur
« Pourquoi
irais- je dans la lune bâtir une cité avide
Et laisser notre chambre vide »
« Pourquoi me griser de songes avides Automne hiver sont des printemps sont des étés »!
La poésie de ces chansons simples nous rend proches l'épicurisme de la poésie latine ou grecque!
« En te croyant seule tu chantes
Dans la maison
Qui suis je l'homme qui tangue ? »
Jolie chanson, mélodie et chœur, d'une poésie quotidienne (un peu comme la chanson "La Matinée" de Jean Ferrat avec sa compagne Christine Sèvres)!
La Matinée est étrange,, moins unifiée dans ses intentions et son texte que le reste de Ferrat plus politique, mais peut-être plus proche des bonheurs quotidiens partagés avec sa compagne, et l'une des seules fois où on les voit ensemble, elle était comédienne!
J'aime le prolongement de cette idée par trois interprètes de chanson française "Je chante pour passer le temps (Ferré chantait Aragon)
La réponse de Ferrat « Je ne chante PAS pour passer le temps » (plus engagé socialement, politiquement , alors que plus tard Ferré le fut davantage plus tard grâce aux textes de Caussimon et avait vocalement plus la voix pour l'engagement, plus de mordant, une voix de chien qui pourrait mordre, Ferrat plus une voix de « crooner social », mais très belle, presque trop pour un engagement social!)
Et l'iconoclaste Hubert-Félix Thiéfaine les renvoyant dos à dos avec irrévérence! « Je ne chante pas pour passer le temps mais pour me rendre intéressant ! » plus Rock mais encore grand poète dans les images! Souvent je ne connais pas les titres de Thiéfaine qui souvent n'ont rien à voir avec le texte ou très métaphoriquement comme ici "Psychanalyse du Singe" Qui est le singe? Lui? Ferré? Ferrat?)
« L'âne » n'est pas si bête, et St Martin donna la moitié de son manteau a un pauvre! Mais Luc Martin rappelle que les ânes sont durs à la tâche et affectueux, obstinés, les imagine en Provence, entourés de fleurs et d’herbes aromatiques sauvages! On peut d’ailleurs randonner avec des ânes portant les bagages, ils savent le chemin par cœur ! Et Francis Jammes a écrit de belles pages sur les ânes!
« Tout de L'été est bleu, l'amour est ciel Tout de l'automne l'amour est fruit »
danse sur des accords brésiliens (où Luc Martin a enseigné au début de sa carrière, certes très jeune mais titulaire entre autres d’un diplôme de portugais) ou cubains?
Je pense à Bernard Lavilliers qui lui aussi alla au Brésil travailla au Brésil comme chauffeur poids lourd et en ramena « La samba » ( !
« La poésie vit d'insomnie perpétuelle" écrivait René Char.
« L'insomnie » (une vidéo est disponible avec son guitariste marseillais Robert Paci) sur une musique d'Annemarie Wolff! Joli texte au tour un peu plus ancien, presque moyenâgeux de Luc Martin et mélodie double strophe/refrain!
« Ma
fatigue est un sortilège, mon cœur bat la chamade pour cette jolie
ballade »
« Les beaux enfants de nos enfants avec leurs pelles malhabiles, visages rieurs et innocents sur la terre construisent des villes! » est l’une de mes préférées de celles qui m’étaient inconnues.
« Mais les hommes de cette terre
Font un délug’ de nos rivières
De notre feu un noir désert
De notre ciel font un enfer »
Belle innocence dans ce titre, espoir en des générations futures plus préoccupées d’écologie, et contraste avec cette lucidité mature des adultes!
« Reste avec moi, triste faubourg, mes doigts sont gourds, sans regard, sans âme qui vive » est un peu bossa nova dans les arpèges !
A Marseille, Luc Martin joue avec un autre guitariste, Robert Paci, ici avec Jean-Yves Ragot connu en colonie de vacances à Fréconrupt dans la Vallée de la Bruche, puis camarade d’université en lettres classiques!
Avant « Vis-à-vis », Luc Martin nous rappelle que cette expression signifie « visage à visage » pour un beau partage de compassion avec un visage beau, ou ridé par les ans!
«Ne ris pas de ma peine »
«Où ai-je mis ce vieil Homère
Qui m'inspira tant de vers?
Ne ris pas de ma peine
Puisque tu m'aimes !
J'ai le cœur du triste du vagabond
Aux poches percées ! «
Me rappelle Arthur Rimbaud, « l’homme aux semelles de vent » quand son « auberge était à la grande ourse » (Ma Bohême ) sur cette magnifique mélodie entraînante, le texte de Luc Martin est plein d'autodérision et petit coup rythmique mais se finit par des baisers oubliés et retrouvés sur l’oreiller!
« Pour fêter notre amoureuse des douze mois de l'année je lui faisons un collier » repris en chœur par le public au refrain!
Cela me rappelle sur une semaine « Les sept jours de mai » une chanson de Malicorne "je donnerai à ma mie" avec un couplet par jour comme ici par mois dans ce titre très jazz Rock à la basse bien funky avec cet harmonica fou, beau contraste avec le bourdon toujours très médiéval folk et le texte ancien!
Et avec une vraie maraca ronde de bois en plus de l'autre monolithique de Jean-Yves Ragot !
« Ensemble » sur la crête ils attendirent un jour une amie qui n’en pouvait plus en randonnée!
Je pense aux romans de Roger Frison-Roche sur ce compagnonnage de randonneurs et d’alpinistes.
« Je n'irai pas au bout de moi même
Mais ensemble
Si tu te fais mal
Je te tiendrai le cœur »
Et inversement
« Si je me fais mal
Tu me tiendrai le cœur »
Enfin l’un et l’autre :
« Si nous nous faisons mal,
Nous nous tiendrons le cœur
Ensemble »
Dont voici le texte entier
« Ensemble (Luc Martin)
Je n’irai pas au-delà de moi-même
Solitair’ vers les étoil’s mais ensemble
Avec toi bon pied bon œil sur la terre
Mon amour et ma pein’ quand tu me manques
Et si tu te fais mal
Je te tiendrai le cœur je te tiendrai le bras
Tu ne tomberas pas
Tu n’iras pas au-delà de toi-même
Solitair’ vers les étoil’s mais ensemble
Avec moi bon pied bon œil sur la terre
Ton amour et ta pein’ quand je te manque
Et si je me fais mal
Tu me tiendras le cœur tu me tiendras le bras
Je ne tomberai pas
Nous n’irons pas au-delà de nous-mêmes
Solitaires vers les étoil’s mais ensemble
Toi et moi bon pied bon œil sur la terre
Nos amis notre pein’ quand ils nous manquent
L’un de nous se fait mal
Nous lui tiendrons le cœur nous lui tiendrons le bras
Il ne tombera pas
Nous ne tomberons pas »
Belle
conjugaison de la solidarité partagée
« Dans la maison que tu habites Brigitte
Pour toi et ta porte ouverte,
Chansons guitares et pirouettes
Mes amis faisons une fête
Dans la grande maison qui t'habite »
J'aime cette maison qu'elle habite et finalement QUI l'habite!
J'aime cet échange mutuel dans ses chansons, cette réciprocité affectueuse et simple de l'auteur à sa muse dédicataire!
Fin du recueil « Présent d'amour », aux textes de Luc Martin sur des musiques d’Annemarie Wolff!
Luc Martin a
écrit ensuite les textes d’ un autre recueil « Vies fragiles », sur des mélodies de jean Yves Ragot, mais filmées avec son guitariste Marseillais Robert Paci
« La
Route est longue et vagabonde »
« De ta main ici à la mienne »
Cette chanson sur une mélodie qui me rappelle un peu Moustaki ! Cette chanson rappelle la vie de quartier!
Le ton se fait plus amer, vengeur, envers « Le maraudeur » , ancien terme moyenâgeux pour des voleurs toujours présents,
« de fruits et de fleurs, et de temps, des saisons »,
« Marie Joseph, le bœuf et l'âne »,
ou plus loin de nous, voleur du temps qui passe, symbolisé par les grecs anciens par Chronos le père de Zeus qui dévorait ses enfants titans!
Mais « Je te casserai le nez! »
« L'été de la St-Martin » se réfère à l’évêque de Tours, quand il mourut, il y eût un redoux les arbres refleurirent et les oiseaux chantèrent en novembre! Il y a un village Candes –St-Martin , en Indre et Loire, un des plus beaux de France !
« Voici l'heure de danser » sur cette mélodie gaie et entraînante !
« Lève toi ma belle » est une chanson plus ancienne sur le disque "Faubourgs de pierre" de Luc Martin en 2013 sur des musiques d'Annemarie Wolff:
« Ouvre tes paupières, avant s'il s'en aille rattrapons l'hiver » ou
« le
printemps, l'été, l'automne » J'aime bien ce côté chansons au fil des
saisons!
Et en bis le public réclama « Madame Louise » , texte et musique de Jean-Yves Ragot seul, sa copine de quatre vingt ans qui se souvient d'un officier qu'elle n'a jamais pu épouser! On retrouve cette chanson, et bien d’autres, dans le dernier recueil de Jean-Yves Ragot, « Prolongements » accompagné de Christian « Chris » Kuhn ! Si le sujet est à la mode, cette chanson est assez ancienne !
Le public de Luc Martin fut heureux de le retrouver pour la 4ème fois à la maison Rurale de Kutzenhausen, abrité de la pluie dans la salle, assis autour de lui et Jean-Yves Ragot sur des chaises disposées en rond en demi-cercle comme en un amphithéâtre moderne, sans micro ni amplification, mais nous n’en avions pas besoin !
Merci à Luc Martin pour ces chansons simples mais touchantes au détour desquelles on trouve parfois quelques pensées de sagesse antique qu’il rend proches de nous et universelle en les chantant de la sorte !
Quelle joie aussi de revoir Stéphane et Christelle, connus étudiants, elle ancienne élève de Monsieur Martin, désormais eux-mêmes parents d'une ado!
Jean Daniel BURKHARDT