Après son concert à Jazzdor, le pianiste Matthieu Mazué et son trio composé de @Xavier Rüegg à la contrebasse et Michael Cina à la batterie (deux musiciens Suisses de Berne où vit Matthieu) sort le 18 novembre son album «We Stay Stilll «  sur le label de Jazzdor Jazzdor Séries, en précommande ici!

 

« White Fields » ouvre l’album dans une ambiance calme de champs enneigés à la Mal Waldron, qui me rappelle un peu «Left Alone » (https://www.youtube.com/watch?v=K2csb8QrQgo)  que Mal Waldron écrivit pour Billie Holiday dont il fut le dernier pianiste, et qui fut reprise par Abbey Lincoln (https://www.youtube.com/watch?v=3zEKP0nInik), également dans la contrebasse de Xavier Rüegg.

 

Plus heurtée est la rythmique d’ « Au-delà des steppes «  rappelant le 3ème mouvement de Lennie Tristano et son « Turkish Mambo », son « Line up » pour la ligne suivie, ou sa direction « East Thirty Seconds «  par l’original balisage mélodique et rythmique du trio de ce paysage : piano sol accidenté, contrebasse arbres de loin en loin en perspective, et batterie, par éclats, pierres, horizon, fin, cadre, ces rôles pouvant être échangés dans une dynamique constante!

Plus rythmique encore et plus moderne, tourmenté, est « Supply Chains », qui montre que ce trio, s’il assume la tradition du Jazz Post Bop, est aussi de son temps, de la modernité d’un EST, avec une batterie presque drum’n’bass. En Live, j’ai pensé aussi à « Straight Up & Down »  d’Eric Dolphy, et c’est exactement à ce lieu de l’histoire du Jazz que ce trio situe ses influences, à la charnière entre Hard Bop et Free Jazz où se situe aussi Mal Waldron dans ce « Fire Waltz » Live At Five Spot avec Dolphy et Booker Little, avec déjà l’aspiration à la liberté, mais une forme encore compréhensible et dansante, ou plus loin de nous, les titres les plus tourmentés de Bud Powell comme ce « tempus Fugue it »  ! Encore faut-il savoir, et ils le savent, calmer le jeu dans le final après avoir lâché les chevaux !

« Sentiers » nous entraîne dans des chemins non loin du standard  « Darn That Dream » de loin et comme en rêve, avec contrebasse  d’une inquiétante étrangeté et batterie de loin en loin, une rythmique moderne !

 

« Dislocation » rappelle Thélonious Monk par ses hésitations, ses silences disloquant  le rythme entre les reprises rythmiques et une contrebasse à la liberté héritée de celle de Bill Evans, Scott La Faro et Paul Motian au « Village Vanguard » .


« A Standing Black Shape «  rappelle le « Crepuscule with Nellie » de Thélonious Monk par sa vitesse d’exposition lente.  Ce trio prend son temps, et le donne à chacun de ses membres pour s’exprimer. Le piano descend jusqu’au silence, pour reprendre très progressivement sur la batterie, un peu comme Charles Mingus au milieu de son « Open Letter To Duke »!

 

« Knocks » , ça vous chatouille le piano ou ça vous gratouille la batterie, et l’un courant après l’autre alternativement autour de la contrebasse sur rythme fou autour de la frappe (« knocks si l’on traduit ») de la batterie. Avez-vous déjà  entendu chanter une contrebasse sous l’archet ? Si ce n’est pas le cas, ne vous arrêtez au silence au milieu et vous entendrez celle de Xavier Rüegg chanter sous l’archet, puis le piano va chercher des frappes contemporaines en des accords inouïs!

 

« Shells » est à nouveau plus rythmé, de coquilles/ coquillages entrechoquées sur le pont du piano, on pense à « Epistrophy » de Thélonious Monk, pour le piano, puis la contrebasse et la batterie, mais avec un côté plus fou dans le final du piano!

 

Enfin  « Prototype Monolithe «, en plus de proposer un beau final Waldronien à ce disque,   regarde déjà à travers les chaînes du batteur, plus loin, puisque le trio s’est produit en quartet avec le saxophoniste américain @Michaël Attias à Jazzdor le 9 novembre dernier, livrant un « Prototype 2 » composé quand le trio s’est élargie en quartet !

Jean Daniel BURKHARDT