Après un premier Live, c’est à l’église St Pierre Le vieux Réformée chez Nootoos que le quintette de femmes vocal et percussif A HueEt A Dia (Elsa Bader voix bendir, daf, khayamb darbouka et tapa à pied, Julie Fandi voix et zils, clave, quirin et tapa à pied, Alexandrine Guédron ()  voix et tambours, cloches, agoukoué et tapa à pied, Leïla Harmi-Meistermann voix bendir, cloche et tapa  et Claire Robert voix, tambour, tapa à pied et dunumba) ( présentait son second album Transhumances ce 1er février 2020 à 20 heures! J’avais la semaine passée invité Alexandrine Guédron pour une interview.  Elles ont appris à chanter ou prononcer ces chants d’ailleurs par des personnes de ces cultures qui habitent à Strasbourg, enrichissant notre ville de leurs autres cultures et chants!


 

Le public plongé dans le noir, elles commencent presque en chant Grégorien, venant de derrière le public, de la salle (au début on n’arrive pas à définir d’où viennent les voix) par Naz Drovia (https://youtu.be/WzM52_KDnS4?t=45) , un chant de Nouvel an Ukrainien : « Ô Nuit généreuse et douce, puisse-tu apporter bonne santé aux braves gens ! Les vêtements ont été lavés à la rivière et avec eux les joies et peines de l’année dernière. Que l’année nouvelle vous soit prospère ! », puis, en procession, comme pour passer de l’obscurité à la lumière, elles montent des lanternes vers les visages du public à travers les travées, exploratrices de l’ombre d’hier cherchant la nouvelle lumière de demain à la bougie !

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Puis, parvenues à la scène,  elles nous emmènent à Madagascar avec le nom roucoulant Kamiroromaray « Lève-toi, debout, la vie t’attend ! » qu’elles tiennent d’un musicien malgache, air entraînant du désert, au Sud-Ouest de l’île, se prenant doucement par la taille puis passant chacune sous les bras des autres puis reviennent ensemble (c’est aussi ces formes de chorégraphies contemporaines de Roberto Greiff dans lesquelles évoluent leurs chants leur alliant les gestes qui donnent à leur spectacle sa grâce et son charme !), certaines jouant déjà des percussions, puis ponctuent les chants de cris tournant de l’une à l’autre pour se stimuler et finissent sur l’innocence d’un chant d’oiseau dans la jungle!

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Elles poursuivent avec  çobankat, un chant Albanais « Nous, les bergères, nous tissons des vêtements pour les fils des montagnes. Des vêtements bien chauds pour nos héros, nos pauvres héros qui dorment dans la neige. » avec à une des syllabes un « reel » qu’on pourrait croire presque reel irlandais, mais en Albanais aussi, comme en anglais, le r est parfois roulé et mouillé! Et à la fin elles imitent un peu les chèvres en bêlant !



Il y a tout de même une ou deux chansons en français dans ce nouvel album, comme « La Laine », autre chant de fileuses (pour témoigner de la vie quotidienne des femmes, elles mettent à leur répertoire des chants de travail), mais d’Aveyron. Mais comme pour chaque chant, elles en ont fait leur propre version, notamment l’une ne chantant que ces deux mots « La Laine La Laine » pendant quelques minutes, presque plus mélodie, musique que mot intelligible, un peu comme dans un autre genre, Patti Waters ne chantant que le « Black » du murmure au cri de « Black is the colour of my true love’s hair » () pendant 12 minutes!  Puis soudain, les percussions entrent en jeu, et elles chantent toutes ensemble les paroles en français avec des mots spécifiques à ce métier « La laine des moutons c’est nous qui la cardaines/ tondaines/ lavaines/ la laines de moutaines ! »

des kayambs?

A Hue et A Dia aiment aussi composer dans des langues imaginaires ou connues d’elles seules comme Enomagetoe D’Elsa Bader  et Leïla Harmi-Meistermann, plus douce après les autres, mais avec toujours une belle rythmique des autres voix et un bel envol de la soliste, puis s’assourdissant sur des percussions jusqu’au silence ! Bel interlude!

 

Elles ont aussi appris un chant de mariage Rwandais, Mundeke Mbarimbire: « Célébrons l’union de ces jeunes époux, célébrons leurs qualités nombreuses. Le village s’est réuni pour leur faire honneur » avec un solo de Julie Fandi (https://www.facebook.com/julie.fandi.7) à la magnifique voix soliste dans les babillages enfantinabullants du début, puis se lèvent le fond montagneux de polyphonies corses à l’horizon, et à nouveaux les autres ululant gaiment derrière la soliste ! Il y a une belle variété des fonds sonores entre l’ample et le fragile dans ce titre !

Le titre suivant « Solave » est aussi une belle histoire de rencontre : Alexandrine Guedron a entendu dans un train un homme parler une langue qui lui était inconnue ! Elle lui a demandé quelle langue il parlait, et il s’est trouvé être kurde Irakien et parler l’Araméen, langue du Christ et leur a  appriis ce chant moitié Araméen moitié arabe : « Solave, je vais mourir sans t’avoir revue » : Là encore, elles l’ont adapté, petite voix érigée sous la lave du volcan des autres, une plus proche et les autres en écho mais cela tourne aussi de l’une à l’autre, puis tambours plus gros ? daf ? J’aime bien le solo à 2 minutes! Puis percussion mais avec d’autres, plus carnavalesque, ou tsigane, qui me dit plus quelque chose avant l'excellente l’accélération avec cris finaux!

Elles reviennent ensuite en Albanie avec Valle Jarnana : « Fille à la timbale, donne-moi de l’eau ! – Je ne peux pas, mes mains sont occupées à caresser la bague que tu m’as donnée… » comme quoi chant de travail et d’amour font parfois bon ménage ! Comme l’albanais et les gammes rythmiques indo-pakistanaises (apprises en stage),   le « takitakitakitakitita » (), quoique les tsiganes soient aussi du Rajastan à l’origine si j’en crois Latcho Drom de Gatlif) ! Le solo sur la clave est bien indo-pakistanais et les ensembles aussi, quoique plus Europe de l’est! Elles mélangent aussi les cultures avec bonheur, créant des hybridations inouïes !

 

Autre titre malgache Ranandria rend hommage à la nature « Merci Mère Nature pour ce que tu nous offres ! Allez ! Mettons-nous en route et profitons de toute cette beauté ! » en de jolies trilles oiselées qu’on entend au loin ! On croirait entendre des oiseaux ! Mais je ne sais pas pourquoi ça me fait penser à Värtina ou Warsaw Village Band ! 

Mais A Hue Et A Dia aiment aussi improviser collectivement leurs propres vocaux en langues imaginaires, comme dans l’Improvisation  suivante:  bon « Teng Tong » clair de source et juste une petite voix, presque un miaulement sur la courroie rythmique vocale plus percussive d’une cavalière mongole se rejoignant en mantra puis poussant des souffles aux cris jusqu’à l’apaisement du chant d’oiseau final!

 

Autre composition, Eyza est de Leïla Harmi-Meistermannaux sublimes harmonies vocales sur lesquelles elle part en jazz, et les autres en diphtongues puis toutes en jazz et super percussions buccales!

Elena est un chant Bulgare : « Elena court jusqu’à l’aube avec la folie et la fougue de la jeunesse. En chemin, elle se ravise, elle rentre chez elle pour prendre soin de sa mère. Plamon aimerait qu’elle vienne plutôt chez lui…prendre soin de son père ? », encore un chant de femme entre travail et amour ! Plus tsigane? Beaux Yengela ! et N’ye-YEEEE profonds du fond des gorges des balkaniques dont une voix s’envole en aigle de plus en plus diphonique puis poussée jusqu’au cri! C’est parfois difficile de comprendre laquelle chante quoi, de mettre leurs voix en relation avec leurs visages, ce qui n’est peut-être pas le plus important, ou à voir en live ! On croit même entendre  une sorte de vièle à roue vocale dans l’avant dernier envol !

 

Ralina est le dernier chant Malgache de ce concert, hommage aux villes « Eh Ralina ! Regarde comme nos villes sont belles ! », roule bien aussi sur les percus ! J’imagine des pirogues aux rameuses chantantes, et crois entendre frétiller les graines d’un khayamb comme des petits poissons ! Entraînantes mélodies vocales aussi et bonne figure rythmique à la fin !

  ce ne sont pas des kayambs mais des cales pour les tapas à pied!

Et elles terminent par un dernier Naz Drovia abrégé en guise d’envoi final et de bons vœux !

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Vous les avez ratées ? Elles se produisent encore aujourd’hui 3 février à une compétition locale dont elles sont lauréates,  Régionsen scène   au Point d’eau à Ostwald à 14 h (https://www.facebook.com/events/780635455745413/)  Et après sur Facebook pour les prochains concerts (https://www.facebook.com/ahueetadia/) ! 

Jean-Daniel BURKHARDT