J'arrive en retard, « sur le fil » de la première chanson. Noëmi Waysfeld,  je l'adore depuis les 3 premières chansons de son premières chansons de son premier album Kalyma sur les chants des prisonniers de Sibérie ramenés et enregistrés par Dina Vierny,  née en Roumanie, résistante muse de Maillol pour lesquelles je lui avais écrit ceci sur my space (qui a perdu toute sa musique m’apprend son guitariste):


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"Si le Jazz, ou la musique Tzigane sont SOIT GAIS, SOIT TRISTES, seul le klezmer est à la fois, ou successivement Gai puis triste ou l’inverse dans LA MÊME CHANSON, assumant à la fois le côté festif et tragique de l’existence, ce que je trouve magnifique, car permettant des surprises dans les climats, et plus proches des sentiments librement fluctuants de l’humain entre rire et larmes, tendresse et rage, acceptation et révolte!"

J'arrive sur l'oud, qu’elle qualifie de « guitare pleine de lumière ».

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Le dernier album (le troisième), s’intitule « Zimlya », c'est la terre en russe, « souvent personnifiée en Russie »! Elle chante pour la première fois en français à la fin de ce triptyque des chants d'exil! « La fin du bal » du barde Wladimir Vissotsky, qui fut le mari de Marina Vlady, qui le chanta en français « de sa grosse voix » (). La texte et la voix de Noëmi Waysfeld  me  bouleverse jusqu'aux larmes! « C'est les oiseaux jamais les balles qu'on arrête en plein vol »! Sa voix pleine de rage et d'émotion, entre souffle de vie et soupir!

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Puis  elle introduit par la traduction du yiddisch comme une adresse provocatrice « T'étais où? Quand la vie était plus dure? Et maintenant tu sifflotes! »  de « Vu Bistu Gewen? » ( dont le thème me rappelle le fado Voltaste)  Fado d'amalia rodrigues du second album traduit en yiddisch de Saudade en Zat polonaise pour le second album Alfama, sifflée par le contrebassiste Antoine Rozenbaum!


C'est aussi ces accélérations improvisées qui font la qualité de sa musique qui la rend proche du Jazz et des musiques traditionnelles comme dans Shnirele avec Krakauer!

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Puis du dernier album, « Le Miroir », en français:  « Clic et clac » au texte bouleversant, plus profond sur la mélodie ralentie de « Bang Bang »  dévêtue de la pop de Nancy Sinatra ou ye ye Sheila, car Noëmi Waysfeld la fait remonter la « nostalgie », peut-être de ses ancêtres russes et polonais qui ont « traversé le miroir » « on ne sait vers où vers quoi » mais « vous êtes vivants dans mes entrailles! » mais « Le temps a laissé la trace de vos vies dans mon regard » « dans ma pupille cette lueur qui scintille c’est le fruit de votre mémoire », mais « Tic tac dans la glace le reflet même s'il sait ne dira rien! ».


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Elle-même en semble bouleversée, s'y laisser prendre en la chantant mais à la fin ce rien tombe comme un couperet, plus sec sur scène qu’au disque!


Puis improvisation accordéon russe,  contrebasse et guitare très enlevée mais émouvante sans elle!


Le Guitariste est laissé seul et elle revient, reprend lent et ample « Soledad » en russe rallongeant les voyelles sur les accélérations « chernys » juste avec la guitare presque flamencarusse balalaïka! Elle est merveilleuse dans cette émotion pure qui enfle de la tristesse a la rage!


Elle poursuit par « Voilà mes mains ne tremblent plus! La peur s'est engouffrée dans l'abime! Je regarde les chemins encore possibles! L'un d'eux sera le mien » () puis en russe sur la contrebasse frappée en percussion  de haut en bas! Comme le Blues ces chansons ne se complaisent pas dans la souffrance mais la dépassent vers la résilience comme disait Big Bill Broonzy! C'était aussi une chanson de Vissotsky, « Vers les cimes »!

«Absence» est une autre chanson du dernier album aux paroles en français magnifiques « Si j'avais des ailes, pour voler sans distance,  si j'étais une gazelle qui sans fatigue s’élance »  « ma sœur ma chérie »  « cette solitude qui s'agrippe à mon chagrin » « l’incertitude de poursuivre le chemin »  « ton destin »  sur la mélodie d'Ausencia,  tango de Goran Bregovic chantée par Cesaria Evora dans Underground devenue Absence! Comme Claude Nougaro, Noëmi Waysfeld pose ses textes sensibles sur des mélodies connues qui nous parlent déjà mais comme de loin, transfigurés par ces nouvelles paroles.

Retour de l'oud et un texte russe :

« Vous entendez le bruit des bottes qui claquent ? Vous regardez ce que les femmes voient dans leurs mains! Mais la lumière est devant!" Puis « Les Bottes » (sans Thomas Savy en russe, mais dont la musique rapide est presque arabo-andalouse d'où se détache le mot russe « soldatttt »puis elle chante une clameur bouleversante, aaaaaaaaaa de l'aigu au grave, scat russe oriental, envolée de l'âme slave yiddisch sur les percussions sur la contrebasse puis l'oud pendant le solo d'accordéon fou!

Cette fois elle reste seule avec l'accordéoniste Thierry Bretonnet  pour Youkali, un Tango Habanera de Kurt Weill aux magnifiques paroles françaises de Roger Fernay :« C'est presque au bout de monde, ma barque vagabonde errante au grès du monde m’y conduisit un jour,/L’île est toute petite/ mais la fée qui l'habite/ gentiment nous invite/ a en faire le tour! Youkali c'est le désir le bonheur et le plaisir, l'étoile qu'on suit dans notre nuit » sur un tempo presque latin puis ralentit elle pousse en ouououh, et il repart en tango « c'est. Le pays de tous les feux échangés, c'est l'amour et l'espérance de la délivrance que noud attendons tous pour demain! Mais la vie nous entraîne, lassante, quotidienne!Mais c'est un rêve, une folie. Il n'y a pas de yououououkaaaaaaaliiiiiiiiiii" je ne sais pas où,  ni par qui je l'ai entendue avant elle et cette version douce amère mais émue! Je la préfère dans son émotion vibrée sur le fil du souffle à celle d’Ute Lemper (()!  Elle me semble venir du fond des âges pour me cueillir! Des « Tchaï » Manouches peut-être?

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Bretonnet reste seul pour un long et lent tango musette des soufflets aux seules touches a la toccata et fugue de Bach au tempo frappé d'un pied, le pur mouvement du son et de l'émotion presque autonome de l'instrument, repart puis ralentit ensuite pour s'enfler a nouveau des soufflets alors que les autres reviennent pour Les bateliers de la volga? Ou « Plaine Ô ma plaine » (qui commence un peu pareil), tube russe des Chœurs de l’Armée Rouge ou d’Ivan Rebroff que le public rythme en tapant des mains!


Puis un thème du premier album rockysee par la guitare, tziganisee en banquet de souffles et touches par l'accordeon, jazzyfiee par la contrebasse puis reprise par l'accordéon! Ce sont aussi des improvisateurs virtuoses avec de l'amour!

« Je vous écris je ne sais comment ni pourquoi, j'ai perdu ce droit mais je me souviens » puis en russe "na fas zamelt"(ou portugo yiddisch) ichtokajvan ichtokajvan nitchifooooo! Romance russe dans une musique de film d'après la lettre de Tatiana dans Eugène Oneguine!

Puis «Shnirele Shnirele », un chant d'espoir et de bénédiction yiddisch qui nous annonce que « Cette année le messie va revenir! Mais est-ce une bonne nouvelle? » Demande-t-il Dans quel état trouvera-t-il le monde et les hommes les femmes? J'ai honte de nous pour lui! Shnirele shnirele! Une intro "pooooi poooi pooooooi pooooo poooi poooooi" comme sortant de la terre du fond des âges avec cette puissance déjà! C'est peut-être celle que j'ai le plus l'impression de comprendre grâce a l'allemand ne parlant pas yiddish,  mais « l'allemand c'est le yiddisch sans l'humour !» comme dit Mordechai dans Train de vie de Radi Mihaelanu ! Même sans Krakauer en guest  sur le disque ou en concert, ça le fait grâce aux improvisations des musiciens "eta komen zu faren eta komen zu rainen wata kumen zu gehn wenn de steeeeern! Shnirele shnirele kuchen antixion »? (diction, anxiete des ou addiction aux gâteaux?)

Elle poursuit avec un autre chanson de révolte : « Qui a dit que la terre ne pouvait plus enfanter? Non elle attend! Car la terre c'est notre âme! Et l'âme ca ne s'écrase pas sous les bottes! »  Paroles de Vissotsky? en russe avec ferveur et révolte poussée du chant jusqu'au cri! Puis à nouveau percussion sur la contrebasse puis cordes pendant le solo de l'accordéon!

Au bis elle a un fou rire « je pourrais en profiter », dit-elle,  et le guitariste dit comme un secret comique. « C’est elle la chef ! »  Je lui donne l'envie de rire en riant à mon tour « Si vous vous y mettez aussi, on va pas y arriver!"

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Entre deux strophes du rapide « Costume Neuf »  du Premier album, elle dit « ça change de tempo tout le temps c'est russe »

L'accordéon déploie ses soufflets en orgue plus lentement que sur le disque pour le chant yiddish nostalgique  Belz, Mein Shtetle Belz du kinderjugend, souvenir du prisonnier du shtetl de son enfance,  encore une mélodie bouleversante et juste les touches rapides de l'accordéon sur la contrebasse!

Noëmi Waysfeld a un rapport poétique, musical, improvise, instinctif et émotionnel au texte, peut le ramasser, le prolonger en chant ou lui donner dans la révolte le tranchant inéluctable d'un couperet! Elle finit sur un murmure!

Je crois n'avoir jamais été ému a ce point par une chanteuse yiddish et russe autant que par Billie Holiday et Elis Regina ou Barbara pour cette palette d'émotions de l’éternel féminin!  

Du répertoire de Billie Holiday, Noëmi Waysfeld a repris sur son dernier album « Strange Fruit » en marche dramatique avec oud et « Sombre Dimanche »  de Reszõ Seressinterdite en 1933 par peur d’une vague de suicide,  reprise par Billie Holiday avec les paroles anglaises de Sam Lewis etchantée en français avec les paroles de Jean Marèze et François-Eugène Gonda après Damia par Serge Gainsbourg avec un arrangement plus funky sur son dernier album puis sa dernière tournée!

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Mais elle ne les a pas chantées en concert ce soir-là ! 


Elle sera en concert le 5 Avril au New Morning!

Jean-Daniel BURKHARDT