Le second soir de Wolfi Jazz le 29 juin dernier, on pouvait entendre, après Andréa Caparros au clavier et chant Bossa Nova au débit rappelant Elis Regina dans Upa Neguinho et Soul très sensuel dans les standards de Jobim et scats vocaux imitant la cuica en concert gratuit, l'organiste Rhoda Scott et son Lady 4tet composé de Sophie Alour saxophone, son frère Julien Alour trompette et Anne Pacéo batterie.


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Organiste afro-américaine, Rhoda Scott est née en 1938 d'un pasteur méthodiste. On l'a surnommée «the barefoot lady» (la dame aux pieds nus) car depuis son enfance où elle ne voulait pas abîmer les pédales de l'orgue avec ses chaussures, elle joue pieds nus. Après des études à la Manhattan School of Music, elle est découverte par Count Basie qui la programme dans son club où la découvrent Eddy Barclay et l'acteur Raoul St Yves, patron du Bilboquet à Paris où il l'engage, elle étudie au Conservatoire de Fontainebleau avec Nadia Boulanger, et épouse Raoul St Yves en 1969 (décédé en 2008) et vit en France depuis plusieurs années à Coulonges les sablons dans L'Orne et a joué du gospel, du jazz, des des chansons françaises ou des standards du jazz, ou du funk voire du groove.


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Le groupe me fait penser au dernier Bôto Brazilian Quartet de Chet Baker. Dès les premiers riffs de Julien Alour suivis de solos flamboyants, c'est du bon Hard Bop, dont Rhoda assure les basses de ses pieds nus sur les pédales. L'orgue hammond fait penser à Jimmy Smith mais avec plus de changements de tempo accélérants d'Anne Pacéo (qui remplace Julie Saury ce soir là) et plus d'impro collective dans le groove et sans dérapage incontrôlé, puis après quelques chases elle finit par quelques phrases d' «Exactly Like You» immortalisé par Lionel Hampton et ses «small band.

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«Bonsoir dit Rhoda Scott, nous sommes le Lady Quartet: Julien Alour (cherchez l'erreur) trompette, Sophie Alour saxophone, Anne Pacéo batterie. Nous jouons notre nouveau CD «We Free Queens». We free queens et un free king!».


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Le titre éponyme allie le groove d'un Jimmy Smith et l'unisson des riffs des cuivres à l'unisson dans les basses, et ressemble à un standard des années 60s et il ya ce son inimitable de l'orgue hammond à la fois liturgiquement, spirituellement puissant et jazzystiquement acidulé. Même Fats Waller jouait de l'orgue, il aurait joué de celui de Notre Dame de Paris.


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Sophie Alour, découverte dans la Nouvelle Vague des musiciens photographiés par Jazz Magazine en Eté 2003, est à la fois puissante et lyrique, aussi à l'aise dans le Hard Bop le plus pur que dans un groove plus moderne: elle m'avait soufflé avec «Uncaged» avec un son plus puissant et «hanté» d'électricité.


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Et Anne Pacéo tape de plus en plus fort pendant la fin du solo de Sophie Alour.


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Bref, un grand quartet par son entente et sa liberté.


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Julien Alour prend son bugle pour une «Valse à Charlotte» plus ancienne de Rhoda Scott, plus proche dans son introduction du souffle des grandes orgues liturgiques des œuvres de Bach en Toccata et fugue qu'elle a jouée aussi seule et en battle d'orgues et de jazz avec Xavier Varnus, mais bien envoyée par les cymbales d'Anne Pacéo, puis Julien Alour joue la bouleversante mélodie reprise en canon après une phrase de Rhoda Scott par Sophie Alour. C'est une valse mélancolique mais à laquelle Rhoda Scott ajoute par paliers le groove qui la caractérise. Ça ferait une bonne musique de film, si le cinéma utilisait encore le Jazz au lieu de compiler les tubes du moment depuis Trainspotting.


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Une valse qui ne reste pas que triste mais dans le second solo de trompette après Sophie Alour a une bonne attaque rythmique commune, et qu'ils finissent ensemble.



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Sophie Alour est aussi l'auteur de deux thèmes de l'orchestre «Joke» pour Jook Joint ou barrel house, un vieux bar noir à la mode où l'on jouait et dansait du Blues et du Rythm'n'blues (titre pour lequel Anne Pacéo remplaçait déjà Julie Saury sur l'album) bien dans les basses sur une batterie bringuebalante, soutenant son saxophone puissant au solo rappelant «Compared to What» du pianiste Les Mc Cann et Eddie Harris (le saxophoniste Hard bop puis pionnier du saxo électrique), bien funky sur les riffs fraternels en suspens sur la batterie et l'orgue très moderne, juste un riff rythmique et une reprise à la Donald Byrd en ses Jazz Soul Years!

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Elles ont voulu aussi dans ce programme rendre hommage à la chanson française par une reprise de «Que reste-t-il de nos amours?», la chanson la plus nostalgique de Charles Trénet (devenue «I Wish You Love» aux Etats-Unis, dont Harry Connick Jr donna une belle version et le titre de mon disque préféré de sa période Jazz), à la mélodie bouleversante dans cette version instrumentale sonnant comme un gospel par l'orgue presque liturgique mais avec ce second son d'éléments jazz soufflés. L'orgue lent est bouleversant sur ce tempo très lent entourant le saxophone presque Bossa et Getzien ralentissant encore le tempo jusqu'à me tirer les larmes.

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Heureusement après ce moment d'émotion nostalgique, ils reprennent en Hard Bop Funky avec «Work Song» de Nat Adderley, reprise par Nina Simone et chez nous par les Double Six dans «La chanson du bagnard» et Claude Nougaro avec «Sing Sing Song», en restant dans le thème de la chanson de travail forcé et de l'esclavage. Je pleure encore d'émotion au solo de saxophone Lesterien qui se transforme en rugissement d'orgue bien funky. D'ailleurs le mot «funky» était d'abord une insulte blanche raciste, jusqu'à l' «Opus De Funk» d'Horace Silver, pianiste d'Art Blakey, puis fut revendiqué comme du Jazz par les noirs pour les noirs, retrouvant les racines rythmiques du Gospel, du Blues et du Rythm'N'Blues avant James Brown, dès les années 50s.


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Au premier rang est assise une femme enceinte. Son enfant entend-il le son de l'orgue, des cuivres et de la batterie? Sera-t-il batteur ou organiste jouant les basses de manière ambi-pédestre comme Rhoda Scott?

Saxo et trompette font monter la sauce de leurs riffs, s'assourdissent sur l'orgue pour revenir de plus belle jusqu'au final de batterie cataclysmique.


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La deuxième composition de Sophie Alour est «I wanna move», plus ancienne, elle la jouait déjà en 2010 avec son propre groupe, et avec le Lady 4tet de Rhoda Scott et Anne Pacéo, encore bien funky sur la batterie polyrythmique sur les cymbales et la cowbell, puis l'orgue acidulé.

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Sophie Alour joue différemment pour ce Lady 4tet, et Pacéo rappelle un thème de fanfare pendant le solo de Rhoda Scott, l'encadre, puis le riff rappelle Sophie et Julien Alour en chases prenant le thème à contrepied en free jazz harmolodique Ornettien, à l'envers sur le rythme contenu de Rhoda Scott jusqu'à l'explosif solo final d'Annne Pacéo de toms en cymbales suivi par les derniers riffs.

Ces reines libres et leur roi sont cependant plus grroove que la version que j'avais entendue sur France Musique dans Open Jazz en février.

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Sophie rattrape au vol le riff de son frère puis le reprend en solo sur les cymbales caraïbes d'Anne Pacéo qui a aussi une grand plaisir à jouer ce répertoire avec ces excellentes musiciennes.

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En Bis, Reines libres et Roi reviennent ensemble reprendre «What I'd Say» de Ray Charles dans une version très organique et funky avec les cuivres bien rythm'n''blues et le public frappant des mains et clamant à l'unisson «OOOh! AAAAh!» comme au temps de Ray Charles, poursuivi en «Green Onions», tube de Booker T & The MG's, groupe mixte (blancs et noirs qui accompagnait Otis Redding, Sam & Dave et les artistes du label Stax puis les Blues Brothers, mais le guitariste Donald «Duck» Dunn est mort en 2012.).



Bref, Rhoda Scott et son Lady Quartet incarnent l'histoire du Jazz dans ce qu'il eut de plus dansant, mélancolique ou fédérateur revisités par sa nouveauté actuelle!

Jean Daniel BURKHARDT

Photos  Patrick Lambin


" Blanc cassé " Christophe Monniot & Jeff Boudreaux & Rhoda Scott

" Blanc cassé "

Jazz Family

Sorti le 10 novembre 2017

Concert le mercredi 7 février 2018 au Studio de l'Ermitage à Paris

Christophe Monniot: saxophones, synthétiseur

Jeff Boudreaux: batterie

Rhoda Scott: orgue Hammond

Voici un trio improbable enregistré au Triton aux Lilas (93). Christophe Monniot, saxophoniste français, qui aime faire exploser les standards du Jazz. Jeff Boudreaux, batteur natif de Bâton Rouge en Louisiane, inamovible pilier du quartet de Rick Margitza. Rhoda Scott, l'organiste aux pieds nus, qui fêtera ses 80 ans en 2018. 

Ils jouent ici essentiellement des standards. Christophe Monniot pouvant se révéler plus sage que prévu. Cf " Over the Rainbow " (6); Rhoda Scott plus libre qu'attendu. Cf " Chameleon " (4). Quant à Jeff Boudreaux, il tient la baraque bien sûr.

Ces standards sont parsemés de compositions de Christophe Monniot comme le titre album " Blanc cassé " (7), un beau Blues. 

A trois, ils produisent bien plus de musique et d'émotion que bien des orchestres.

Cette musique libre et festive est à savourer sur scène. Rendez-vous à Paris au Studio de l'Ermitage mercredi 7 février 2018 pour en profiter.

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