Jeudi 11 mai, on pouvait entendre Rivertide, projet solo guitare, loops et voix de Sylva Harmelin, dans l'ambiance intimiste et les fauteuils confortables du Salon de thé le Thé Des Muses où l'on ne boit que du thé! Pour public quelques amis, mais aussi deux jeunes que Sylva ne connaissaient pas ayant vu l'annonce sur Strasbourg Curieux et intéressés par le projet!

Elle ironise «Faut croire que je m’embourgeoise!»

Le souffle cardio introductif marche encore avant son beau texte «La Soif», lu d'une voix différente ou plus audible dans ce silence et comme hésitante, touchée et touchante de l'émotion palpable de s'entendre seule pour une fois. Quelques phrases de La Soif, quand le sens est arrivé à passer la barrière de ma conscience, trop bercée sinon par la musique des mots:

«Et les femmes qui se répandent,
Halètent et suffoquent,
Vont chercher asile
Dans l’entrebâillement
De nos cannelures.

Il ne reste qu'à suspendre
Le temps dehors
Avec le linge. »

Puis arriva sa tribu d'indiennes en loops, de birdies samplées en tuilage de chants complices «ponctués d'odeurs de tartes».

Sylva ironise (juste après l'élection de Macron contre Le Pen) «On vit à une époque formidable, on n'a jamais autant parlé de frontières!», et enchaîne avec «Home in Bag», chanson pour un garçon Albanais de 15 ans menacé d'expulsion avec sa famille:

« But I'm only 15,
But I'm only 15
Eyes Blue
And golden heart.

But I'm only 15
But I'm only 15
Openred mind
In a tiny own.

But I'm only 15
But I'm only 15
Home in a bag
Blood in a flag » (texte distribué aux auditeurs lors de ses concerts)

sur de beaux accords folk, bois clair de la caisse sur le bois plus sombre du manche de sa guitare Canadienne résonnant plus profondément dans cet environnement de bois japonisants.

Le sampleur est bloqué «sur le 69: «année érotique»», en effet la guitare de la chanson suivante ressemble un peu à la basse du bateau de Gainsbourough avec Birkin avant les souffles haletés samplés.

Elle continue avec une reprise sur le fil de «Back To Black» d'Amy Wynehouse, plus folk, plus murmurée au début car le silence le permet, plus lente peut-être, puis plus rapide et rythmique, frappée sur la caisse, coups samplés sur lesquels s’échafaude le solo Blues Folk et fin a cappella.

«Y a parfois des loupés avec les loops!» Je réponds «On n'a pas de loupe pour les voir!»

«Autre chanson d'amour, Parfois on se trompe de chemin.»: «Tu me manques/Tu me mens/», «Tu me tues» (si c'est un mensonge, c'est pour de faux) s'enroulant en mélopée indienne comme les mèches de ses cheveux rebelles à ce moment.

«L'Amour c'est quoi? «Love is the line of the road», présentée comme un «éloge de la lenteur», essayant de la jouer «le plus lentement possible». Accords indianisants à la «The End» des Doors. L'amour comme ligne de la route alors qu'en voiture, elle aime rouler vite, entre le 67 et le 39, mais ici la guitare et la voix peuvent prendre leur temps. «Love Is The Meaning»

Elle enchaîne avec plus d'énergie sur sa chanson dont les accords me rappellent «Everybody's Talking» d'Harry Nilsson, où déjà j'entends peut-être «Venir la pluie» de l'Eurythmique «Here Comes The Rain Again»

«L'été les angles s'arrondissent.» «July 1» est une chanson de l'été dernier, où elle travaillait «dans un musée avec des gens insouciants voyant des gens qui le sont moins» à travers la vitre comme Françoise, 55 ans, qui n'a pas assez d'ancienneté pour toucher sa retraite, alors ça ne dérange pas son mari qu'elle fasse la manche sur un journal dans la rue.

Cette chanson est plus forte vocalement dans le silence où la voix prend un ampleur à la Jeff Buckley puis plus rythmique.

«Je vais faire venir la pluie»: "Is It Raining With You", sa reprise d'«Here Comes The Rain Again» d'Eurythmics, mais plus folk et sans synthé sur les accords de «Working Class Hero» de John Lennon dont les paroles sont plus que jamais d'actualité.

Suit un autre poème d'Abdellatif Laâbi, «L' arbre»: «Il est temps de quitter la raison des illusions pour un mer en furie où mon métal pourra enfin fondre!»

Autre reprise des années des Eurythmics, «Sweet Dreams», rythmé funky sur la caisse, plus haché et tribal, de plus en plus rapide sur «Everybody» qui termine le set.

Le second set commence mais se terminera avec «Heart Attack», la corde de sol se dérobant sous l'attaque des doigts et craquant à défaut du cœur!

«Merci d'être venus entendre ce que je braille!»

Je réponds «pour bien entendre en braille, il faudrait être aveugle!»

Bref T'es Des Muses (toi et celle que tu chantes, reprends ou qui t'inspirent des chansons) et la Muse Silence était au rendez-vous de notre écoute attentive et la Nymphe Echo aux pieds de Sylva sur son 69!

Jean Daniel BURKHARDT

Photos: Sylva Harmelin Rivertide