En seconde partie ce mardi 8 novembre à Jazzdor, on pouvait entendre en première le nouveau trio du clarinettiste basse Sylvain Kassap avec Benjamin Duboc à la contrebasse et Hamid Drake à la batterie.

Sylvain Kassap c’est un Louis Sclavis plus échevelé qui continue à prendre le risque de donner de Free-sons très improvisés, quitte à faire des disques peu abordables comme Pointe Noire avec Corneloup. Mais il excelle tenu par une bonne section rythmique comme sur son disque Strophes ou Boîte Boat!

Et ici la clarinette basse, la contrebasse sonnant  comme la machine d’un moteur d’avion (comme Henri Texier avec Romano et Sclavis dans les Petits Lits Blancs de  « Carnet de Routes ») ou berimbau quand il prend don archet, et Drake ferraillant ses cymbales puis accélérant sur les toms, et Kassap s’envolant vers des sons purs et inouïs, puis le souffle se gonfle.

« Tout va aller mieux » dit Kassap, (Drake a perdu sa baguette et va en chercher une autre), puis s’enfle en deux clarinettes courtes comme Rahsaan Roland Kirk sur trois saxophones  (ou Sclavis dans Clarinettes) mais la rythmique est plus comme celle de « Routes Africaines », et Kassap alterne trilles, cris soufflés et slap tongue rythmique jusqu’à l’envolée suivante, comme s’il était  à la fois rythmique et lyrique, avait la tentation d’être à la fois  la terre et l’oiseau qui s’en arrache, tellurique et aérien. Son souffle siffle des oiseaux puis coule comme un ruisseau jusqu’à la source. Il semble jouer des éléments naturels.

De même Hamid Drake se fait serpent flottant dans les hautes herbes de ce paysage musical.

Lorsque la rythmique joue seule, Kassap envoie juste comme des appels lointains, primitifs, un peu à la Didier Malherbes dans un style plus ethnique avec son Hadouk Trio, un shamanimal resté jazz. L’écoute de ces trois musiciens permet le silence autour d’un solo de contrebasse permettant d’entendre l’instrument pour lui-même dans sa pureté, puis à nouveau en rapport avec les autres .

Puis Kassap reprend son souffle ininterrompu dans sa voie du souffle au cri au gré de ses émotions.

Le Jazz revient cependant quand la contrebasse rebondit en walking bass et Drake frappe Jazz, mais avec chez Kassap ce supplément d’intensité emprunté aussi aux musiques nouvelles ou traditionnelles.

Et si le Jazz c’était juste « être ensemble » dans l’improvisation, jouer ensemble ?

Le geste musical se fait ici couleur, et à eux trois, paysage changeant, frappe métallique de Drake, bois de sagaies, flèches et cordes de berimbau chez Duboc, sur lesquels le souffle libre de Kassap vient semer la tempête ou se poser délicatement avec ingénuité.

Un beau concert dont les émotions débordent le Jazz vers le monde, la world, mais dont le Jazz reste la liberté et le véhicule rythmique, ce qui tient ensemble ces différents styles et ces trois musiciens, électrons libres pourtant complices ensemble.

 Jean Daniel BURKHARDT

Photos  Patrick Lambin