EVE RISSER EN SOLO AU PIANO DROIT MECANIQUEMENT PREPARE ET EN PLEIN AIR A EXHIBITRONIC
Par jean daniel burkhardt le lundi, octobre 5 2020, 17:40 - JAZZ - Lien permanent
Pour sa seconde soirée, le festival Exhibitronic invitait Eve Risser, originaire de Colmar, à se produire au piano droit préparé, pour présenter son dernier projet « Après un rêve », pour une fois en plein air !
Une main, la droite, à la Keith Jarrett à Köln, l’autre clustant presque du poing comme Martin Rev.
Photos Patrick Lambin
Quant au piano préparé, je ne reconnais pas le
dispositif (au fossé des treizae elle faisait rebondir les cordes d’un piano à
queue ou demi-queue, il y a trois ansle dipositif intérieur de loin, mais Patrick
Lambin me montre une photo prise lors des balances, et on y voit un objet
portant autocollant 44 th.
On entend bien les rebonds sur les cordes, les marteaux stellaires intérieurs, mais ces phalènes encerclées ne gênent pas le jeu des touches, ou seulement certaines, aux deux extrêmités, me montrera-t-elle, aigues et graves !
Photos Patrick Lambin
Objet rebondissant à son pied plus visible contre le bois, actionné par une pédale, un œuf percussif actionné par une pédale et un ressort portant les graines et sarments du piano droit préparé futur sans briser l’œuf d’un oiseau de feu naissant à venir, pour un côté rythmique obsessionnel qui n’appartient qu’à elle !
Les deux mains filent d’un côté à l’autre du clavier, ou se rejoignent l’une sur l’autre comme en stride sur la rythmique du Boléro de Ravel. Elle est aussi une grande pianiste clasique ou Jazz, utilisant Debussy ou Lennie Tristano!
Comme au Jazz Connective le 11 août, Eve Risser porte une casquette, Eve Risser porte une casquette qui lui donne une attitude d’exploratrice Hip Hop futuriste!
Le jeu de la main gauche part, mais elle peut actionner des manettes dans le piano, en faisant un instrument rythmique inouï, ses doigts sont marionettes, des danseuses, des ballerines, en équilibre sur les cordes et le son!
Je n’ai jamais vu jouer de piano préparé de la
sorte, à plus forte raison de piano droit, même si je m’intéresse à cette
pratique alternative, ce qu’en fait une Sylvie Courvoisier me semble trop
contemporain, ou Bob Stenson avec Charles Lloyd plus cordes que touches, donc plus piano mais kora ou harpe (ce qu’elle peut
faire aussi)
. A entendre et voir Eve en jouer, cela ne me satisfait plus !
Plus jeune, Eve Risser a ajouté un kick de batterie
sur pédale frappant sur le pied droit du piano un capteur sonore sans
discontinuer pour des effets batterie presque techno, fait aussi sa propre
rythmique, en plus du kinder surprise (« kind of surprise » aurait
dit Duke ellington qui d’après Alain Gerber « jouait sur les marteaux »)
à gauche qui joue presque tout seul, peut-être le poussin veut sortir!
Puis elle reprend le temp le tempo profond des
répétitions à la Steve Reich, décalées, de transes pianistiques en
fines fugues rapides s’enfuyant d’une main, l’autre rythmique, cordes
pincées en écho de résonances mais avec un demi-queue il fallait se lever, à son concert à Jazzdor, elle
avait dédié un titre, Ida Lupino de Carla Bley je crois, « à mes profs qui m’ont
toujours dit que ce que je faisais était laid !»
Photos Patrick Lambin
Eh bien ça ne l’est pas, peut-être juste trop nouveau pour eux, et eux trop vieux et coincés !
Après avoir exploré la plage du clavier et la mer noire sans fond des cordes des pianos à queue ou demi-queue (moitié plus facile à atteindre le rivage ou le bout de la queue, elle a fait du piano droit, plus petit, plus ramassé, tout à portée de main ou de doigts, son propre instrument mélodico-percussif par elle modifiée d’une façon unique et inouïe!
Mais elle le pense, également contemporaine, à la Feminine (intérieure) de Julius Eastman pour 4 pianos à elle toute seule, qu’elle est venue jouer à Musica, mais à la flûte (son autre instrument pour lequel elle fut engagée dans l’ONJ Yvinec), j’y étais sans la voir ni la chercher!
Elle n’a qu’un piano, approfondi de percussions techno.
Et la sirène de police bleutée se mêle à l’interstice des touches, des notes , ou c’est elle qui en joue !
C’est le meilleur concert que j’aie vu d’elle !
Quoique à Jazzdor en réécoutant j’ai bien aimé aussi !
Le bois rythmé du piano droit réverbéré se reflète
dans le bois flotté de la passerelle Camille Claudel (Camille Claudel aurait
aimé ses sculptures sonores, proches de la fougue de son baiser de marbre dans
la frappe où elle burine aussi
, de ses dernières fèves miniatures animales dans le toucher digital.
Quant à l’œuf, il joue de la harpe avec son ressort !
Elle me fait aussi penser à Christophe Chassol, mais lui a ajouté l’électricité, sorte de facilité, elle pas, elle n’est que bois, cordes, percussions, plus roots, lui a un batteur, elle EST sa propre batteuse, n’a que ce piano modifié, touches et autour corps percussif, percuté, et à l’intérieur cordes parfois retenues, engluées, immobilisées par de la patafix comme le fait Laurent de Wilde mais lui que sur un titre, n’en a pas fait un instrument à lui !
Il y a aussi des trilles à la Cecil Taylor , mais avec le piano martelés de « Strings Of Life » l’Innovator Derrick May de la techno de Detroit, sauf qu’elle c’est du roots home made DIY, elle est encore pianiste, pas machine, rythmique, mais aussi touches, et soudain chute dans le son modifié contrastant avec les grillons progressifs actionnés par ses pieds, presqu’imperceptible accompagnement qarqabous gnawas qui lui inspire un sourire d’amusement enfantin, comme étonnée d’elle-même!
Eve Risser a créé SON PIANO-MONDE, fait de lutherie intérieure modifiée, étouffée, d’un kinder surprise jamais ouvert ou ensemencé, offert au public et au piano, de bouts d’enfance et de souvenirs de soirées technos ou hip hop, de transgressions innocentes, mais tout cela, comme chez Fred Frith, fait d’abord de la musique, revenant après la transe à la mélancolie des Nocturnes de Chopin attaquées par la baguette sur le clavier comme par les termites de la modernité rythmique, contraste entre LE SON du piano et LES SONS autres créées par elle seule!
Ce piano-monde n’appartient qu’à elle seule, ou elle
déguise tous les pianos du monde en lui partout où elle joue, un jour ils
formeront une révolution de pianos Risseriens la réclamant!Elle refuse désormais les pianos Steinway, veut des pianos droits!
Il y a aussi une finesse liquide qui court sous ses doigts, jouant des vitesses et des styles, puis dérangée/stimulée par la rythmique au pied, l’œuf ou le kick. Le piano redevient mécanique, piano droit préparé à effets mécaniques mais contrôlé, joué, est joué ou parfois joue tout seul, boîte à musique ou orgue de barbarie, il rêve d’avoir été être autre chose sous ses doigts après son départ, c’était son carnaval!
Après j’ai un peu discuté avec son ingé son qui a
précisé que tout est naturel, il monte juste le son de tel ou tel effet
parfois, mais c’est elle qui joue !
Même si je la connais mal, Eve Risser est pour moi comme une grande petite sœur qui a réussi à être elle-même et se cherche encore ! Vous pouvez acheter un état du projet! Allez la voir si elle passe près de chez vous !
Jean-Daniel BURKHARDT