ORK, SECOND ALBUM, ELECTRIC REVERIES, LE 28 MAI A L’ESPACE K ! LONGUE INTERVIEW PAR MAIL DE SON VIBRAPHONISTE OLIVIER MAUREL ET DE SON BATTEUR SAMUEL KLEIN DE CE DUO!
Par jean daniel burkhardt le mardi, mai 21 2019, 19:27 - ELECTRO - Lien permanent
Ork est un duo Strasbourgeois composé d’Olivier Maurel, vibraphoniste d'Hanatsu Miroir et les Percussions de Strasbourg, Linea et Pierre Moerlen’s Gong Tribute
et Samuel
Klein,
batteur du Gong de Pierre Moerlen, Lyre Le Temps et de
la Fanfare En Pétard devenue Notilus en 2016! Il ont déjà eu les honneurs du Montreux Jazz Festival!
C’est dire si ce duo mélange l’expérimentation contemporaine, l’énergie du
Rock progressif mutés par les effets électroniques et des samples vocaux connectés à leur
vibraphone et batterie!
Après un premier EP-onyme
que j’avais chroniqué en 2013 et un 1er album Orknestprésenté lors d’un concert avec les
percussions de Strasbourg avec cette Tänzte
inspirée d’un quadrille traditionnel en
2016,
Ork sort ce 28 mai 2019 « Electric Reveries » dont on a pu entendre en 2017 la short version de Plane par un concert à L’Espace K (billets ici) et voir ce teaser vidéo!
Samuel Klein : Batterie, toy piano, live electronics, mélodica,
kalimba, chant
Olivier Maurel :
Vibraphone électrique, glockenspiel, live electronics, lampe plasma, wii
Artistes présents sur l'album :
Ensemble de l'Ill
: Timothée Bohr (violoncelle) / Emma Errera (violon) / Ziyu Zhang (violon) / Aurélien Sauer
(alto)
Ayako Okubo :
Flûtes (la flûtiste Japonaise d’Hanatsu Miroir)
Marc Antoine Schmitt : Basse & Contrebasse
Pour vous en donner envie d’assister à ce concert, voilà ce que j’ai pensé de cet album à son écoute en avant-première, et les réponses à mes questions par Olivier Maurel d’Ork :
Moi « J'aime bien le côté Phlippe Glass de Plane
la voix fait Einstein on the beach» mais
Samuel Klein -« Plane raconte de façon imagée une rupture amoureuse.
Une femme chante sous sa douche et ne s'aperçoit pas que la maison est en feu. Un
homme est présent dans la maison et tente de l'appeler. Les chansons qu'elle
lui fredonnait dans le temps lui donnaient corps mais aujourd'hui ce n'est plus
pour lui qu'elle chante et l'homme s'est dématérialisé, Il ne reste de lui plus
qu'une voix froide et synthétique, on entent au loin sur la fin de chacune de
ses phrases le timbre d'une voix humaine, comme si elle cherchait encore à exister
en tentant d'alerter celle qui l'a totalement déshumanisé. »
Anytime est plus Rock, presque métal qui fait sursauter au début après la précédente, mais la suite est plutôt gaie et enjouée, puis de plus en plus tourmentée avant les voix cinématographiques et finit par la même figure rythmique très forte…
-« Anytime s'inspire de l'univers de Georges Orwell dans 1984. Dans un premier temps ce titre mélange les rythmes afro-cubains répétitifs et les mélodies longues et parfois épiques. Sur la seconde partie on passe dans un univers beaucoup plus onirique et fantastique symbolisant ainsi une possible idée d'évasion. La toute fin du titre rappelle que même si l'imaginaire permet parfois d'échapper aux clivages droits et autoritaires d'une société au régime totalitaire, il n'est pas si simple de s'évader physiquement d'un système où toutes les pensées sont minutieusement surveillées. Sous l'alarme présente dans le sample de fin on entent un rire qui appuie comme le feraient les rires enregistrés d'un sitcom l'aspect humoriste de cette fausse happy end. »
Dinner For One est plus Krautfunk à la Low de Bowie, mais avec des claviers, ou un vibraphone plus modernes et fous et les voix sont plus amusantes! »
Olivier Maurel : -Si c’est pas élogieux ça!
«Electricity (Asakusa's Electric Bath) Asakusa est commence ce bain électrique D’Asakusa au Japon comme la flûtiste Japonaise invitée Ayako Okubo un peu liquide avec un côté Aqua d’Edgar Froese, le clavier allemand de Roxy Music le groupe Brian Ferry! Mais Olivier Maurel ne connaissait pas. Puis cela passe de l’état liquide à l’état gazeux mais finalement vous me faites aussi penser à Soft Machine et Robert Wyatt! C'est incroyable tous ces sons et orchestrations tous les deux tout seuls! C'est bien quand ça se calme aussi en une musique plus poétique et méditative! Vous avez pris les samples vocaux dans des actualités radiophoniques? »
-Ce sont des samples qui viennent de la toile principalement !
« Quel est leur rôle pour vous? «
-Pour moi ça participe à la dramaturgie et parfois il y a une narration.
Et pour Asakusa : « Asakusa’s Electric Bath à été composé en partie à Asakusa, un quartier populaire et historique de Tokyo. Ici on y trouve le Senso-Ji,
un grand temple situé au bout d’une allée ouverte par la Kaminari-Mon,
la porte gardée par deux majestueux démons.
A 500 mètres de là, il y a un honsen, un établissement de bains publics, très fréquenté par tous les âges du quartier, et qui accepte les personnes tatouées (ce qui est rare au Japon car les tatouages sont souvent liés à la mafia). Côté homme, 5 bains sont proposés aux côtés des douches. A l’extérieur on trouve un bain plutôt chaud et un bain froid, ainsi qu’un bassin avec une petite cascade et des carpes. A l’intérieur, le bain est partagé en trois : une partie calme, une partie massante et… un bain électrique avec deux électrodes.
La construction de ce
titre est inspirée d’un parcours dans ces bains, alternant stimulation,
observation, tonicité, relaxation, méditation, poésie et culture ainsi que
l’état intérieur que la
traversée de ces contrastes amène. »
Moi : «Plume est plus circassien ou musique de film à la Yann Tiersen en une valse adoucie qui bientôt prend le large sur le vibra et la bonne basse! très cinématographique! On croirait même entendre une voix chinoise avant le dernier solo de vibra! »
-Samuel Klein: « Plume est une valse née de la douceur et de l'accalmie du Paris des années 30. Telle une suite logique nous constatons dans la chronologie de l'histoire que cette douce mélodie aux embruns d'orgue de barbarie découle sur l'exposition d'un passage plus sombre, plus rapide voir guerrier, cadencé de mesures impaires. Sur la fin du titre, le thème exposé au début revient de manière fragmenté se poser telle une plume de colombe sur les décombres d'un champs de bataille, laissant ainsi en suspens une image finale basée sur l'harmonie, la reconstruction et la réconciliation. »
« This Day semble commencer en Blues jusqu'à cette voix incroyable modifiée par des effets asiatiques! Mais on part plutôt dans une ambiance faussement fantomatique à la tim Burton/ Lynch avec ce talent pour pousser une logique musicale jusqu'à la transe! La voix finale est amusante! »
Olivier Maurel : Einstein !
-Olivier Maurel « Il s’agit d’un lecteur de texte type google, un peu retravaillé par la suite pour coller au thème, à la Steve Reich : Enfin, proche du traitement de la voix d’Albert Einstein dans ’This Day’, il y a dans la synthèse entre les cordes et la voix numériques, l’envie de faire parler les violons ( (Ensemble de l'Ill : Timothée Bohr (violoncelle) / Emma Errera (violon) / Ziyu Zhang (violon) / Aurélien Sauer (alto)). Cette piste est un voyage abstrait, avec pour seule orientation le sens suggéré, presque suspecté, de la voix numérique enfouie dans les nappes orchestrales : ‘Another word for peace, keep an eye on…’
This Day est inspiré par Steve Reich et Albert Einstein, deux inventeurs, découvreurs du XXème siècle. Dans le texte dont sont issus les samples, Albert Einstein dénonce les dangers de la science lorsqu’elle s’amalgame avec des gestions humaines irresponsables.
Steve Reich en a lui, inspiré le procédé musical. La voix parlée est ici traitée comme une mélodie et arrangée, à la manière sa pièce The Cave. L’univers sonore mêlant voix de synthèse, orgues surannés et sons concrets aux lignes de batterie et de vibraphone psychédéliques, nous emmènent à rebours dans le temps, depuis le futur proche des intelligences artificielles jusqu'aux essais nucléaires de la guerre froides.
-Moi :« Integrate intègre l'éternel recommencement hypnotique! Belles
cordes! le rêve se brouille, se noie en bulles vocales! Qui parle de
la différence de la différence entre son et musique?
-Olivier Maurel : Integrate est construite sur un texte et une idée de Daniel Barenboim,
le chef d’orchestre à l’origine du West-Eastern Divan Orchestra, l'orchestre de
jeunes musiciens Israelo-Palestinien .
Barenboim y dit « The difference between sound and music is that when you make music, everything has to be integrated. And that you’re not able to detect the different element. We must always think that music is about integration; there is no independent element. Tempo is not an independent element, expression neither, everything is constantly and permanently connected. I don’t know of a better lesson in life than that » (« La différence entre son et musique est que quand vous faites de la musique, tout doit être intégré. Et que l’on n’est pas capable de détecter l’élément différent. Nous devons toujours penser que la musique parle d’intégration : il n’y a pas d’élément indépendant. Le tempo n’est pas un élément indépendant, l’expression non plus, tout est constamment et en permanence connecté. Je ne connais pas in plus belle leçon dans la vie que cela. »)
Dans cette pièce, chaque motif mélodique semble naître indépendant mais lorsqu’il est rejoint par son complément, les deux s’agglomèrent sans pour autant perdre leurs identités. »
Moi: (En lisant cela : J'aime bien l'idée d'interconnexion musicale, culturelle ou ethnique de Barenboim humainement! Dans les musiques que j'aime (en gros populaires du XXème (Jazz Trad Rock Funk Techno) j'ai souvent constaté que ce que j'aimais c'était cette opposition entre rythmique tribale du rythme ou beat terrien et mélodie émotionnelle d'une voix ou de la sentimentalité, voire jusqu'à la spiritualité d'un amour universel, les pieds bien ancrés dans l'humus, la terre pour danser et la te cœur aimant, la tête dans le ciel et l'âme dans les étoiles, même s'ils peuvent aussi alterner, et la rythmique devenir mélodie, comme la mélodie rythme par le jeu live des instrumentistes ou les moyens électroniques des djs pour modifier les samples. Pour moi la techno c'est l'élément humain (tribal, vocal,instrumental, live) poursuivi par la machine boum tchac qui cherche à le bouffer! Mais la plus belle victoire de l'humain sur la machine, c'est quand la machine se met à chanter, comme dans The Little Trumpet de Michael Winter, une victoire sans violence par contamination humaine artistique qui adoucit la machine!
« Fable me fait penser au tournoiement de claviers du Samouraï avec Delon mais dépassé dans l'idée ensuite! C’est Artaud la voix ou Guitry? »
-C’est Aragon
Moi « La rythmique basse (Marc Antoine Schmitt : Basse & Contrebasse ) /batterie
frappe bien même si vous êtes seuls sans bassiste! J'adore la voix de
vieille tzigane enrouée par l’âge?
-C’est un inuit
Moi : « Y'a une tension entre calme classique presque contemporain et énergie dansante de la transe dans votre musique, entre attachement à la mélodie et un tendance au bruitisme dynamitant ! »
-« Fable et La valse des grands enfants ont été écrite le soir où la tempête Carmen soufflait sur la France et elles font toute deux intervenir par le biais de samples la voix de l'auteur tempétueux Aragon.
Pour ces compositions là on pourrait parler de fausses-jumelles.
L'une met en lumière la manipulation, ou l'idée qu'en donnant libre court à son
imagination et
en faisant que les gens se prennent à une vérité contrôlable, on puisse leur
faire croire aux mensonges pour qu'ensuite ils mentent en toute impunité.
Tout comme dans les procédés d'écriture d'Hermeto Pascual dans les années 80 la
ligne de basse suit la mélodie de la voix d'Aragon pour ensuite en répéter le
squelette mélodique et rythmique, symbolisant ici exactement l'idée exposée
dans cette phrase que l'on peut se coller à un propos et le colporter en toute impunité
en incarnant sa mélodie propre.
Dans ces deux titres la
mesure en trois temps et les puissantes lignes de basses symbolisent le
mouvement des vents forts que cette tempête a inspiré à l'écriture de
celles-ci. »»
Moi : J'adore Hermeto Pascoal surtout
Carinhoso (découverte après la version chantée d'Elis Regina,
la seule chanson brésilienne que j'ai l'impression de comprendre sans connaître
cette langue : « Mon petit cœur, je ne sais pourquoi /tu t’en vas
heureux quand tu t’en vas »), mais y'a peut-être le même brouillage
rythmique disséminant le son entre souffleurs et percus/ claviers rythmiques mais connais pas très bien ses années 80s!
Trouvé ce live qui a l'air bien délire!
et trouvé ça où il le fait sur la voix
d'Yves Montand
Je me rends compte que Chassol le fait aussi d'une manière plus psychédélique avec un texte plus poétique et moins répétitif! D'ailleurs il cite Pascoal comme une influence!»
Moi : « Eye On est plus drum'n'bass très moderne! On
oublie presque que ce n'est QU'un vibra et une batterie en duo! Joli vibra
rêveur et cordes enflant la dramaturgie de l'ensemble et électricité
vibrante avant le retour au vibra acoustique ou les deux jouant ensemble! Beaux échos dub à la fin! Oui ce
seraient des choses vues auditivement à imaginer! »
Olivier Maurel :
« Eye on est au carrefour de
beaucoup d’influences.
Il y a quelques références modales et rythmiques que nous recevons des musiques traditionnelles Moyen-Orientales, des enchevêtrements rythmiques et harmoniques qu’on retrouve dans les musiques minimales américaines et les musiques de transe africaines ; il y a aussi une volonté de casser les structures par des reprises en forme de bugs numériques. »
Moi : « J'aime bien aussi le titre La Valse Des Grands Enfants et le son modifié du
vibra au début et la voix de l'enfant et les autres faisant la ronde autour
de la batterie! Belle flûte sur la batterie!
C'est votre amie Japonaise flûtiste contemporaine d'Hanatsu Miroir? »
-Oui c’est bien Ayako Okubo
Moi «ça fait bien Joy Division la
rythmique quand elle
tourne au Rock. C'est qui qui parle de « la confiance inébranlable » dans
la jeunesse? Chaban Delmas?
« La Valse Des Grands Enfants délivre un message d'espoir rappelant sous couvert de voix prophétiques qui contredisent Sartre que l'avenir serait « les autres ».
Jean-Daniel BURKHARDT