Hier soir 14 Mars 2018, le chanteur de Maloya Réunionais Danyel Waro (Hoareau pour l'état civil), né en 1955, fils d'un planteur, qui découvrit le Maloya (musique d'esclave alors interdite) avec Firmin Viry dont il fut l'apprenti, puis écrivit ses premiers textes (Romans ékri dan la zol an fran) contre la politique du BUMIDOM de Michel Debré, quand il fut emprisonné deux ans pour avoir refusé de porter l'uniforme en 1976 et raté son baccalauréat après avoir été un leader contestataire au lycée.

Il construit lui-même les instruments traditionnels Réunionais: le kayanm, un instrument plat fabriqué à partir de tiges de fleurs de canne et rempli de graines de safran sauvage, le bob fait d'une corde tendue sur un arc et d'une calebasse comme caisse de résonance (sorte de berimbau brésilen), et le roulér, gros tambour monté à partir d'une barrique sur laquelle on tend une peau de bœuf joué assis à califourchon.

Pour l'occasion, on avait enlevé les chaises pour ce concert à guichets fermés, dansé debout par un public conquis.

Il commence par « Familia», extrait de son dernier album «Monmon» aux onomatopées «Mamanmémé, papa dis moi pou'quoi, belle mèr'» en créole Réunionnais, commencé sur un autre tambour que le kayanm et bien rythmé par ses complices aux choeurs (il a plus travaillé les harmonies vocales et fonds sonores pour ces dernières chansons).

Il commence souvent ses chansons a capella puis accélère au kayanm de gauche à droite, puis ce sont des questions-réponses souvent en dyptiques comme dans la musique Africaine et le blues, les basses étant asssurées par le roulèr, et un des musiciens (les trois autres étant interchangeables au kayanm, roulèr, rondin de bambou transversal sur cadre joué debout avec des baguettes ou bob) au triangle et castagnettes.

Le maloya a des qualités mélodiques et rythmiques, émotionnelles et festives.

Les festifs et les amoureux y trouvent leur transes en des ondulations sensuelles!

Après Bailo et Fonica, ils poursuivent avec Kiliman, autre critique du colonialisme, mauvais payeur et assassin.

Après Panga, il y a aussi des chansons positives, un hommage à Nelson Mandela, le militant de l'ANC emprisonné devenu président d'Afrique Du Sud. Les chansons commencent par des complaintes, puis soudain le kayanm les rythme d'appels questions/réponses entêtantes, le roulèr faisant la basse et les percussions semblant proches ou lointaines, puis multiplient les fausses fins jusqu'à la transe avec un travail sur les voix et leurs harmonies dans ce nouveau disque et groupe.

Ces harmonies vocales rappellent parfois la musique du Vanuatu.

Le public apprécie, danse en transe et balance à ses rythmes hypnotiques, plus lents et tribaux que les rythmes latins. Leurs pieds frappent accompagnent la rythmique harmonieusement. Nous sommes, pour un soir, sa tribu.

La Gabriele de Danyel Waro n'est pas celle de Johnny. Veli est une chanson d'amour de l'oudiste Titi Robin pour laquelle Danyel Waro a écrit un texte!

Autre instrument, le bob, arc musical à calebasse, sorte de berimbau brésilien simplifié joué en faisant résonner la corde unique, debout ou assis en la bloquant avec un fret.

Le percussionniste jouant triangle et castagnettes, se bouche parfois l'oreille comme un polyphoniste corse (avec qui a collaboré Waro.

Il jouait aussi d'un petit cavaquinho à quatre cordes basses. 

L'hommage au Kenya n'est pas au pays mais à la dernière fille de Danyel Waro à la naissance de laquelle il a prévenu ses autres enfants et son quartier du Bois vert pour qu'elle y soit acceptée. Quant aux disques, c'est l'after et son «représentant légal» avec remerciement de Philippe Conrath qui les vend et tient le stand «parce que je refuse trop de choses, et ne sais pas faire autre chose!»

Autre hommage, celui à «Madame Baba» qui faisait Kabaré (enterrement festif) jusqu'à un âge avancé et jusqu'à sa mort.

Il continue avec Adekalom.

Il termine en bis par «Batarsité», éponyme de l'album du même nom s'assumant «batard».

Si sa crinière a blanchi avec l'âge, Danyel Waro n'a pas changé!



Jean Daniel BURKHARDT

Photos  Patrick Lambin

Mary Halvorson reviendra au Fossé Des Treize le 16 mars avec son groupe Code Girl:

Photo de Jazzdor.
MAR16

Mary Halvorson's Code Girl

· Organisé par Jazzdor
Nouveau projet de la guitariste et compositrice new-yorkaise Mary Halvorson, ce “Code Girl“ est le tout premier pour lequel elle a composé à la fois la musique mais aussi des paroles. L’univers de cette formation atypique synthétise les influences du jazz, du folk et de l’improvisation. Les interactions et les dialogues permanents entre les cinq musiciens créent un panorama obsédant allant de la tradition carnatique au vieux blues, usant d’une invraisemblable palette de couleurs et d’images que traversent en majesté deux immenses voix, la fascinante chanteuse Amirtha Kidambi et le merveilleux trompettiste Ambrose Akinmusire.
_____________________________________
Line-up : Mary Halvorson, guitare / Ambrose Akinmusire, trompette / Tomas Fujiwara, batterie / Amirtha Kidambi, voix / Michael Formanek, contrebasse