A l’origine du projet Runny Noise  (Nez qui coule pour les anglais, Nez ou oreilles musicales flairant 250 bruits courants qui courent collectés de par le monde par eux pour nous), on trouve JB Juszczak  (guitare,  je l’ai connu saxophoniste de Lubenica (groupe  balkanique qui n’existe plus mais dont on retrouve les membres ici pour la plupart), voix, composition, direction artistique.  Lubenica j’aimais bien mais ils vont plus loin ici dans le travail sonore studio sur des bruits réels, naturel et jeu Live )  et son projet « Tombés dans l’oreille d’un son »  pour lequel il avait enregistré des sons en Macédoine (les fanfares Balkaniques et Tsiganes étant son premier chocmusical) et  en Inde, diffusés ensuite en surround par un orchestre de haut-parleurs entourant le public pour une immersion totale, produit par Romain Muller à son studio NAC (voix, composition, certains sons aussi, direction artistique et Dilruba (il a découvert le dilruba mélange de sarangi et sitar indien, (d’ailleurs j’apprends à cette occasion  que sur « Within You Without You » des Beatles ce n’était pas du sitar mais du dilruba que jouait Georges Harrison !) avec le joueur de dilruba  de Sting Mad Sheer Khan parfois Hendrixien en concert au Noumatrouff (mon interview de Romain et JB ici, ainsi que  Phillip Klawitter (Basse, contre basse, voix, rap (déjà dans Lubenica et Adeline Dillenseger (flûte, voix (chanteuse de Lubenica) et en guests Hend Alrawy (voix, chanteuse Egyptienne d’Orange Blossom, et  Arto Tuncboyaciyan (Percussions, voix), découvert par Romain sur Toxicity de  System Of a Down mais qui a aussi joué avec Chet Baker, fondé l'Armenian Navy Band! Bref des sons d’ici et d’ailleurs à ne plus savoir où l’on se trouve, mais aussi du jeu live dessus (ici au TAPS SCALA en 2018) et deux guests vocaux prestigieux) !


JB  Juszczak et Romain Muller

L’album War Is Over commence avec  Des Voix ((JB a organisé un camp de vacances musical avec des enfants aveugles, et Runny Noise a ses propres ateliers, mais aussi d’autres voix enregistrées en soirées à Strasbourg, quand Romain était ingénieur du son à L’Espace Django Reinhardt (
ou à d’autres concerts en enregistrant ces moments festifs) qui placent avec humour ce disque sous sceau du réel de ceux qui l’ont enregistré, avec l’interrogation par un jeune participant de l’enregistrement, et l’imaginaire librement interprétatif collectif de ceux qui l’écoutent, quelque part mais différent du travail «Suivez l’accent» d’ André Minvielle sur les parlers régionaux et du plus proche de nous « On N’est pas des indiens c’est dommage » de Rodolphe Burger en pays Welshe près de Sainte-Marie Aux-Mines dans le genre mix vocaux, peu -être plus proche d’Ucelli mais loin des nouvelles Voies Du Monde de No Tongues car  moins free et plus trad pour le jeu live !




Le Crépuscule des deux , au-delà de la référence Wagnèrienne assumée serait celui de la fin d’un couple mais joué à trois (JB guitare et voix, Romain dilruba, Adeline voix et flûte et pour les bruits ambiants formant le contexte naturel, le paysage où évolue le jeu live des bruits d’eau qu’on croirait de rivière mais d’eau courante au robinet dans une chambre d’hôtel bulgare, et d’oiseaux qui volent de par le monde, donc sont de partout! 

Sur By the sea, on entend mieux JB au saxophone, la contrebasse et les voix africaines ! Ce n’est pas une mer mais plusieurs,  dubstep de vagues aux Îles caïman enregistrés par Romain lors d’une tournée avec Mokhtar (https://www.youtube.com/watch?v=LL6oIJQgbpI)  Samba (https://www.deezer.com/fr/artist/116240/radio?autoplay=true)  ou en Thaïlande et JB à Biarritz, bref on baigne dans cet océan sonore liquide universel, mélange de sons concrets, mais naturels et musique live ! 

Tora Tora sans H veut dire en hindi « un peu un peu, plus ou moins », bref une idée du patchwork pour cette valse qui s’envole! Ils sont un peu  tropicalistes à la Tom Zé  ou Hermeto Paschoal ! Mais l’alliance du cool rap de Philippe Klawitter et de la voix d’Adeline Dillenseger sur un reco reco  ou guiro, pourrait-on croire,  en fait des cailloux,  pierres taillées à Jezelmer dans le désert enregistrées par JB et des cloches martelées en Inde par un artisan) ! Les sons déroutent des routes, et on n’interprète jamais que d’après ce qu’on connaît ! Mais on revient aussi chez nous  avec le court vocal « Oublie les pourquoi les comment du grand n’importe –quoi, fini les parents les enfants, les il faut, les on doit, l’émoi les jours où je sens les vous les tu les moi comme si le fil du temps same same (pareil pareil, ça revient au même) Tora Tora » qui incarnerait Oulipiennement la poésie de ce nouveau mode de composition ,  en français de JB à la fin !  Tout cela me rappelle aussi l’innocence poètique hippie des premiers Higelin Areski!

Nature mais aussi voitures, ou quand les vieilles voitures klaxonnaient encore « pouêt pouêt », et le « ROUGE PIETON » actuel de nos feux rouges pour les aveugles qui me font penser métaphoriquement à La Nuit de Ferré pour la fin « cet homme qui s’promène au milieu des autos… des fois qu’on lui inventerait…LE JOUR! » ou plus jazzystiquement, improvisationnellement, le Foggy Day non pas In London Town mais in San Francisco klaxonné et sirèné par Mingus (! Quoique il faudrait aussi trouver des carburants automobiles plus naturels!

J’aime bien le tempo de la contrebasse un peu sur le rythme de l’air des Bateliers de la Volga que Benny Goodman avait fait entrer dans le Jazz sur Le Temps s’étiole entre la flûte  puis le saxo et la percu rebondissant, pas si lointaine que cela aussi quotidienne,  puisque c’est JB et les cintres sur son porte-manteau !

Spiritus () allie une voix populaire de rue et celle d’un muezzin ou puis Temple Bouddhiste puis croirait-t-on du Pakistan sur un harmonium portatif et d’autres klaxons et moto au démarrage! Sons de voyage où l’esprit divin ou passe à travers des souffles (spiritus voulait dire souffle en latin)  et chants humains d’une communauté à l’autre dans un message de tolérance et de paix !

Un beau fondu enchaîné prolonge cette pièce vocale métissée sur le début de  Kaba Kaba (le nom d’un gros Zurna, le Kaba Zurna avec en guest Hend Elrawy  (https://www.facebook.com/lelaedris
) la chanteuse égyptienne du groupe trip hop world breton Orange Blossom donnant une couleur plus Ethio Jazz avec  le jeu très « treble » de la basse électrique qui groove!

Dans Tout deviendra banal, l’on ne sait si c’est un chien qui aboie (comme à la fin de Caroline No des Beach Boys, le chien, le train sons d’une désespérante solitude pour Brian Wilson) ou un scratch, ou un frottement mais là encore guitare et flûte insufflent leur énergie live sur ces sons ambients!

Bestiaire c’est plus clair, mix de chiens, meuglements, clarines d’altitude et autres oiseaux exotiques de canopées ou plus proches de nous!

Là encore, beau fondu enchaîné avec sur la guitare  bossa de Smoke et sa cuica ou pierres entrechoquées, pas du marcheur et  oiseaux ! Ignorant tout d’Arto, j’imagine un mongol à l’âme sifflant brésilien, en fait il est arménien, il me fait penser aux indiens amazoniens et leur clarinette taqara, mêlant sa voix à la flûte un peu sur l’air de « Que sera » avec les pygmées électrifiés des Headhunters d’Herbie Hancock dans « Watermelon Man » de Mongo Santamaria!

Fisherman nous fait nous enfoncer avec Arto Tunçboyacıyan  et Jb dans le Sertañ de Dorival Caymmi et s’autres voix, flûte, saxophone et  oiseaux ! Arto est plus mélodieux ici qu’avec System Of a Down , peut développer son côté Arto Lindsay!

Genesis est comme une plongée de plus en plus profonde dans la jungle sonore amazoniaque vers le forro croyais-je avec l’accordéon trafiqué du début à la Baião mais ensuite rejoint les steppes mongoles avec le saxo ou monte vers les fjords de Jan Garbarek, entre chant diphonique et brouillage sonore créant grand espace !

Danyel permet à JB un jeu de saxophone plus rythmique sur la contrebasse et la flûte intéressante prolongeant la basse, puis saxo, toujours avec l’ingénuité scattante d’Arto, alias « Mr Avant-garde Folk »

Ptitripantrin  (j’adore ce mot, ce nom qui fait voyager dans les cahots d’un train pas comme les autres) ! à Pantin ? En Inde ? En Afrique ?

Bag Dad  est un jeu de mot entre le Bagad breton Kiz Avel (enregistré à Strasbourg lors d’un concert dans une église par Romain), Bag Pipe (cornemuse écossaise), Dad paternel de tradition, et Bagdad! Intéressant aussi ce rap un peu plus dur de Phillip Klawitter, un peu Balkan Beat Box et les voix rythmiques après le sax !

War Is Over mais la guerre recommençait  récemment entre Arménie, le pays d’Arto, et Azerbaïdjan,, en ce moment en Éthiopie, toujours hélas quelque part, couvrant les bruits de rivière intéressants et les chants religieux en Bosnie les chants de soufis ou d’église  de tirs de snipers (mais en fait des détonations festives de pétards au Nouvel An de Strasbourg quand c’était encore autorisé)  , tandis que vole un hélico comme dans The The (ou sur le toit d’une vieille 404 en trombe), titre inspiré aussi pour Romain de « Different ()
Trains » de Steve Reich, précisément celui-ci là, « magique »  pour Romain Muller !  Dans ce titre, la rythmique live et la flûte entrent de manière intéressante dans le danse et les voix de tous les participants JB, Romain, Adeline, Phillip et construisent peu à peu sur ce fond sonore persistant avec la voix d’Hend Elrawy encore invitée sur ce titre  avec un tuilage vocal intéressant et éléments hétéroclites  bien harmonisé pour créer ce trip intérieur/extérieur entre ici et le monde, puis flûte et saxo et le rap sur le vocal religieux, un peu à Socalled sur Jewish Cow Boy!

L’aurore est jolie aussi, là encore je me demande d’où vient cette voix samplée au début (Afrique ? Jamaïque ?), belles cordes et seconde voix live, sud-américaine ? intéressant ce que dire la Jamaïcaine « cultchures are different » puis « facis différent »

Flor Del inca nous emmène en Amérique du sud dans les samples mais le saxo et la basse jouent dessus en live ! En fait avec ce projet vous (et nous) pouvons voyager tout en restant sur place par le côté Live et les extraits!

Chansons Du Monde  pour finir sur du français ! Qui est cette chanteuse française qui veut un «rapporte avec ses bagages un goût qui m’était étranger… Un  monde joli où l’on vit sans peur » chanson à boire chanté par la grand-mère Polonaise de JB et traduction  et des indiens de Khajurao en Inde enregistrés par JB!

L’album se termine avec encore Arto Tuncboyaciyan en guest dans Niangéné, aux vocaux presque diphoniques en langue imaginaire, les autres au complet en chœur collectif avec un beau tuilage, de l’ombre à la lumière , et retour à la vie!

Merci Runny Noise de sortir l’ethno musicologie et les traditions du poussiéreux musée trad Ocora!

Jean Daniel BURKHARDT