FIDEL FOUNEYRON, JOACHIM FLORENT & SYLVAIN DARRIFOURCQ « ANIMAL » PUIS VINCENT COURTOIS, ROBIN FINCKER & DANIEL ERDMANN « LOVE FOR LIFE » d'après Jack London au Fossé Des Treize avec Jazzdor La Saison!
Par jean daniel burkhardt le mardi, mars 5 2019, 18:12 - JAZZ - Lien permanent
Vendredi 1er Mars, Jazzdor La Saison invitait deux trios Jazz contemporains : le tromboniste Fidel Fourneyron, accompagné de Joachim Florent du collectif Coax à la contrebasse et Sylvain Darrifourcq (le batteur d’Emile Parisien entre autres projets du Tricollectif) à la batterie qui ont enregistré Animal, avec le concours de l’ONJ, sacré Choc Jazzman, Indispensable Jazz News, fff Télérama et élu Citizen Jazz, faisait la première partie. Il est amusant avec ce répertoire d’essayer de deviner l’animal concerné (chaque titre porte le nom de l’un d’eux), puis de voir quelles caractéristiques ont pu inspirer cette composition !
Le zoo ou la ménagerie s'ouvre avec « Singe » sur une bonne contrebasse groovant de liane en corde et un tempo exotique comme les pays où ils vivent!
Puis ils continuent
avec « Chat»,
plus domestique quoique plus libre et indépendant que le chien, le trombone
bien miaulant au début, puis une rythmique bien jazz/ blues imite comme leur démarche
a pas comptés dans les nuits des villes! Puis la batterie donne quelques coups
de griffes défensifs!
Du chat le contrebassiste a la vivacité musculaire tendue vers l'objectif (Stanislavski écrit dans La Formation de l’Acteur : « Lorsqu’il lève une patte, on découvre ses griffes. J’ai l’impression qu’il fait jouer ses muscles parfaitement adaptés. Moi qui ne peux même pas remuer l’annulaire sans que tous les autres doigts se mettent à bouger ! Il nous est impossible de parvenir à ce degré de perfection dans l’utilisation des muscles, que l’on constate chez certains animaux. Aucune technique ne peut parvenir à cette perfection. Quand ce chat bondit sur mon doigt, il passe instantanément d’une position de repos à un mouvement rapide comme l’éclair. Cependant, quelle économie d’énergie ! Comme l’effort est soigneusement dosé! Lorsqu’il se prépare à bondir, il ne gaspille aucune force en contractions superflues. Il réserve toute son énergie pour la projeter toute entière, au moment voulu, au point où elle sera nécessaire. C’est pourquoi ces mouvements sont si bien définis, si nets et si puissants!»)!
Puis ils poursuivent avec « Fourmi »,
qui commence africaine par une intro de contrebasse façon sanza ou m'bira métallophone
que je pensais, au disque, jouée par Darrifourcq, coutumier des expériences
percussives inédites, jouée très bas par
la contrebasse et des coups sourds, élastiques de batterie, comme les tams-tams
ou les galeries creusées par les ouvrières!
Le trombone, d'abord en écho de la
contrebasse s'ébroue ensuite dans la terre nourricière!
Peut-être aussi le côte microsmique!
Ou sonar! S'ils sont
directement passés en fondu-enchaîné comme sur l’album à « Baleine » (où fourmi et baleine se croiseraient-elles? Sur l’eau puisqu’elles
naviguent ou dans les mers du Sud où Cook en trouva? Dans la mer ou
dans le ventre de la baleine qui ne s’en
rendrait même pas compte?), le plus grand mammifère et animal du monde qui se repère
par écho-localisation mais les sonars humains les perturbent et les poussent au
suicide!
La batterie et la contrebasse crissent comme un sous marin et le trombone
souffle et chante comme la baleine!
Aurait-elle avalé un réveil ou est ce
Darifourcq avec des cymbalettes par écho sur le tom !
Puis trombone très
fort!
Fourneyron dit
« je ne vous donne pas le titre de tous les morceaux pour vous donner
envie d'acheter le disque! Mais je peux vous dire que le prochain morceau
s'appelle Coq non pardon Souris !».
Cette « Souris » me rappelle « Los Mariachis » de Mingus dans Tijuana Moods par l'éloignement progressif du mirage de ses souvenirs du Mexique, puis contrebasse slappée à pleine main!
Et ils finissent par « Coq » en bis au trombone réveillant les campagnes et rythme picorant ou combat de coqs fou pour la fin!
En seconde partie, on pouvait entendre un autre Trio non conventionnel du violoncelliste Vincent Courtois dont j’avais adoré « J’ai rencontré l’arbre qui reçut les balles de Patrice Lumumba » avec le conteur Camerounais Zé Jam, mais ici avec Robin Fincker à la clarinette et au saxo ténor et Daniel Erdmann au saxophone ténor, trio d’abord appelé Mediums comme le premier album du Trio en 2012, illustré de peintures et photos de barraques foraines du père de Vincent Jacques Courtois pour faire Freaks, suivi de West en 2015, et enfin en 2017 Bandes Originales, librement inspirés de musiques de films!
Et c’est pour un nouveau projet qu’ils nous ont présenté, Love Of Life , inspiré des romans et récits de Jack London!
Ils vont d’ailleurs à partir a San Francisco sur les traces de Jack London et à Seattle pour enregistrer ce répertoire Jack à la mémoire de London!
Premier morceau qui donne son titre au projet est Love of life, lent avec lyrisme des souffleurs et citation d’ I believe i can fly d’R. Kelly!
Puis plus rapide, Martin Eden, le roman le plus connu de Jack London, premier et dernier blues à la manière de leur reprise de Tarentelle Meurtrière (à l’origine de Nino Rota pour Plein soleil de René Clément en 1968, avec Alain Delon dans le rôle de Ripley, pauvre étudiant engagé pour ramener un jeune américain d’Italie qui finit par le tuer et prendre son identité, ayant pris goût à son train de vie de luxe, avec Courtois en pizzicato, Fincker au soprano d’après Courtois (qui ressemble à une clarinette de bois noir), balkanique ralentit un peu comme leur premier titre et album éponyme Mediums! Puis ils ralentissent en Badinage de Marin Marais que Jordi Savall joue plus lentement où le violoncelle prend des inflexions de son antique cousine baroque la viole de gambe a l'orée de Tous les matins du monde d’Alain Corneau ou Guillaume Depardieu jouait le musicien jeune et Gérard Depardieu vieux! Ce trio a un don pour la poésie circassienne et les ambiances dramatiques! Erdmann part en solo, se tortille dans tous les sens! Fincker est plus balkanique a la Hopa dans Clarinettes de Louis Sclavis avec qui Courtois a jouéet enregistré L'affrontement des prétendants puis continué avec l’admirable Divinazione Moderna avec Médéric Collignon pour Napolis’s Walls! Ils arrivent a faire naître la forme de l'informe!
Ils poursuivent avec
une suite Am I blue (est-ce le
standard de Harry Ankst et Grant Clarke interprété par Ethel Waters en 1929 Billie Holiday et Lester
Young ,
Lauren Bacall et Hoagy Carmichael dans To
Have It Or Not (En Avoir Ou Pas d’Howard Hawks d’après Hemingway) puis
Eddie Cochran plus crooner rock au ukulélé, puis lipsyncé par Diane Lane et Richard Gere à la
trompette dans Cotton Club de Brian
De Palma?), plus rare en instrumental et saxo) Courtois
est très rapide en fait douter au début! Ces musiciens ne reprennent pas le
répertoire tel quel mais par surprise à leur façon inimitable!
Ça finit tout de même en Am I Blue bien chasé ou poursuivi par les deux saxos, l'un détonant avec Courtois quand l'autre rappelle le thème!
Puis Erdmann accélère, prend « The Road » (d’abord nommé Les
vagabonds du rail)d'après une nouvelle de London sur la vie des hobos (qui
me fait penser a un autre Jack Kerouac, Clocard
Céleste qui au début de ce roman prend un train clandestinement « sans
bourse délier ») comme on prend un train en fraude!
Les deux saxos, qui
entouraient Courtois jusque-là, se sont rejoints
à sa droite ou était Erdmann, Fincker
passant à sa droite!
Courtois fait serpenter une route irlandaise ralentissant
en Suite pour violoncelle de JS Bach
vers le bas et Fincker a subrepticement repris sa place à sa gauche (ne l’ai vu
ni se déplacer ni revenir) joue la mélodie et Erdmann et Courtois a l'archet la
rythmique a la Philippe Glass comme West!
Ce faisant ils arrivent à intégrer les souffles a vide sur les clés comme des écoutilles
s'ouvrant plus free chez Fincker!
Puis Dream Of Death, d'après une belle
nouvelle sociale! Courtois est toujours en mode irlandais, Fincker en nappe
sonore bruitiste soutenu par Erdmann! Cela s'érige peu à peu comme à travers
champ ou une montagne battue par les vents, une construction prend forme peu ou peu comme
cette musique! A l'archet courtois rappelle le répertoire pour violoncelle de
la fin XIXeme!
Peu à peu la vision du thème se fait de plus en plus nette avec Erdmann après dissipation des brumes matinales!
Et ils termineront par Loup des mers, d’après un roman sur la chasse aux phoques) composé par Robin Fincker. Les aventures maritimes de London le mèneront a bord de son bateau Le Snark jusqu'au Pacifique et en Polynésie chez des tribus tatouées! Le mât résonne au vent comme le violoncelle sous toute la main ramenée autour des doigts!
Les deux souffleurs font Erdmann la voile rythmique et Fincker la proue filant sur la mer avec un dynamisme communicatif de mouvement vital! L'hésitation d'un saxo à l'autre se répondant autour du violoncelle irlandais crée peu à peu une forme rythmico melodique en construction! Même si cette génération a une tendance a l'informel, elle se rattrape de justesse au bastingage de l'autre ou à celui des chants de marins irlandais! Fincker fait la basse puis Erdmann!
La nouvelle suivante To Build A Fire (Construire un Feu),
une aventure de la période de chercheur d’or au Klondike de Jack London fut écrite deux fois par Jack London par deux
points de vue différents, puis un autre morceau mais ils ne savent pas encore
lequel!
Fincker est à nouveau à la clarinette (en bois noir) ou soprano! Erdmann et Courtois font la basse façon viole de gambe et saxo puis Fincker celle du solo d'Erdmann! Ces formes en diptyques au second thème surprise même pour eux permettent a ces improvisateurs de ne pas être esclaves du texte, ou répertoire, mais libres de lui d’EN jouer au lieu de LE jouer! Le batteur suisse Daniel Humair aussi improvise toujours l'ordre des titres en concert!
Sinon on en arriverait au paradoxe dénoncé par Alain Gerber dans son premier ouvrage Le Cas Coltrane de certains spectateurs d'A Love Supreme fermant les yeux en concert pour s'imaginer entendre le disque alors que Coltrane et son quartet étaient devant eux!
Ils poursuivent avec Golia de Daniel Erdmann, bon morceau
circassien rappelant le tempo lent et lourd
de Fables Of Faubus
(instrumental sur Mingus Ah Hum) (dont
la version vocale Originale fut censurée pour ses paroles accusant de nazisme
aux cris de « no more svastikas »
le gouverneur raciste de l'Arkansas Orval E.Faubus qui fit interdire
l’entrée au lycée à 9 noirs de Little Rock en 1957) de Mingus, puis en comprimant les cordes du
haut en bas, courtois arrive a des aigus de morin khuur mongol, puis à nouveau
Faubus!
Puis un autre titre court The South Of Slot (Le Sud De La Fente), La fente est celle par laquelle les tramways à traction par câble saisissent les câbles du haut en bas de la Rue du Marché à San Francisco. Belle envolée des deux souffleurs, Fincker au ténor avec Erdmann en danseuse d'un pied sur l'autre, un peu irlandais là encore comme le violoncelle et la clarinette ou soprano réapparue dans les mains de Fincker avec une ubiquité dans la bougeotte toute Londonienne!
Pour le bis, c'est Erdmann qui mène la danse sur le pizzicato sur une corde dans l'aigu du violoncelle puis soutient Fincker! Courtois a un bon groove très moderne!
Projet à suivre dont on ne trouve ni vidéos ni musique mais qui se produit sur scène !
Jean Daniel BURKHARDT
Prochain Concert:
Poetic Power Trio | Tchamitchian - Monniot - Rainey
- Vendredi 15 mars 2019 de 20:30 à 23:30Semaine prochaine
- CSC Fossé des Treize6 rue finkmatt, 67000 Strasbourg
- Organisé par Jazzdor
- Billetsjazzdor.soticket.net
Après "Traces" et "Need Eden", j'ai voulu retrouver l'intimité d'une formation légère tout en gardant l'idée compositionnelle et orchestrale qui avait prévalu à la création du sextet et du tentet. L'idée de "suite orchestrale" est toujours là avec cependant la possibilité d'une écriture moins chargée et plus suggestive ainsi que l'interaction dans le jeu inhérent à une petite formation. Et c'est très naturellement que l'idée d'un trio s'est imposée. J'imaginais également une autre composante à la musique que je voulais créer : un peu à l'image de ce que l'on peut ressentir lors d'une marche dans la nature, traduire le sentiment de cette multitude d'éléments qui inter-agissent les uns avec les autres, de façon très "mobile" tels l'eau, le vent, les oiseaux, ou très "enracinés" tels les arbres, les collines ou les montagnes. Pour donner corps à cet imaginaire, il m'a été évident de faire appel à Christophe Monniot et Tom Rainey tant pour leur virtuosité si aérienne et leur créativité si profonde, qu'à l'envie depuis quelque temps de concevoir un projet avec eux, en quelque sorte "sur mesure" !
C.T.
AVEC ► Claude Tchamitchian, contrebasse / Christophe Monniot, saxophone / Tom Rainey, batterie
______INFOS______
• Tarifs concert : 20€ | 15€ | 12€ | 9€ | 8€ | 6€
• Accès : TRAM B-C-F arrêt Broglie & Bus L6 arrêt Tribunal - Fonderie ou Bus 10 arrêt Palais des fêtes
• Bar sur place !